De toutes les montagnes autour de Tromsø, le Tromsdalstinden est sans doute l’une des plus impressionnantes. Dominant la ville, il est comme le géant protecteur. Sa silhouette est reconnaissable entre mille. Esthétique et emblématique, il n’en fallait pas plus pour que le Tromsdalstinden deviennent l’emblème de toute une région. Profitant d’un séjour à Tromsø en hiver, l’ascension du Tromsdalstinden en raquette s’imposait. Vous me suivez dans le froid et l’éther du grand Nord ?
Le Tromsdalstinden, l’ombre de Tromsø
Je me souviens de mon premier séjour à Tromsø en 2016. Alors que nous atterrissions, j’avais jeté un oeil par le hublot et j’avais tout de suite été attiré par cette montagne dominant la ville de Tromsø. J’apprendrai plus tard que le Tromsdalstinden est un véritable symbole pour les habitants. Sujet à une météo souvent changeante dans la région, il peut être impitoyable malgré ses 1238m. Ainsi, même en plein été, il peut neiger au sommet ce que j’ai connu avec brume et grêle lorsque j’ai couru la Tromsø Skyrace qui passait à son sommet.
Le Tromsdalstinden a toujours été un point de repère lors de mes différentes visites de la ville. En 2016, ma plus grande frustration avait été d’avoir atteint le sommet mais de n’avoir rien pu voir du paysage. En effet, les nuages nous avaient plongé dans un “white out” complet. Du coup cette fois-ci en 2019, l’ascension du “Tinden” était devenu inévitable et nous étions bien décidé, mon pote et moi, à vaincre le géant de pierre.
Tromsdalstinden, géant de pierre dominant Tromsø et Icône vénérée pour les contemplatifs de cimes enneigées…
Ascension du Tromsdalstinden en raquette
Une ascension qui ne s’improvise pas !
L’ascension du Tromsdalstinden ne s’improvise pas. De fait, nous sommes au niveau du 69ième parallèle Nord et malgré sa faible altitude, les conditions peuvent être terribles. Ainsi en hiver, les températures peuvent chuter au sommet de presque 20 degrés par rapport à la vallée. Proche de la mer, il faut également ajouter le paramètre d’une météo extrêmement changeante tout au long de l’année. Tous ces éléments sont à prendre en compte. Enfin, comme toujours en montagne, il faudra accepter éventuellement de faire demi-tour.
À 69° Nord, la météo peut donner des allures d’expéditions à n’importe quelle sortie en montagne !
Nous avons décidé de le faire l’ascension du Tromsdalstinden en raquette car les conditions étaient trop dangereuses à entreprendre en ski (en plus d’être de piètres skieurs). En effet, nous sommes arrivés dans la région juste après un redoux et le verglas s’était généralisé partout en montagne. Les crampons des raquettes étaient donc tout indiqués pour mener l’ascension jusqu’au sommet sans crainte de dévisser. Quoiqu’il en soit, si vous avez le moindre doute pour cette ascension, ne la tentez pas ou faites-vous accompagner par un professionnel !
Départ dans la vallée de Tromsdalen
Le départ de l’ascension du Tromsdalstinden en raquette (ou en ski) peut se faire depuis Tromsø via Fløya et Bønntuva ou depuis la vallée de Tromsdalen au sud est. C’est cette dernière route que je choisi car j’avais déjà eu l’occasion de faire la première lors de la Tromsø Skyrace. De plus, cela permet d’éviter une longue marche d’approche en attaquant directement dans la pente. Après avoir cherché des cartes en vain, je me rabats sur l’excellent Norgeskart disponible sur le web et en app pour smartphone. C’est vraiment l’application à avoir pour vos sorties en montagnes en Norvège !
À peine quittons nous le parking près de l’usine de Leirbakken que nous entamons directement l’ascension en remontant le torrent Eliaselva. Les traces de ski m’étonnent au vu des conditions climatiques des jours précédents. Qu’importe, elles m’aident à m’orienter dans ce dédale de bouleaux. L’avantage quand la pente est aussi ardue est qu’on se voit avancer. Déjà les arbres se font plus rares et j’aperçois au loin les premières zones sans arbre, début d’une longue et lente ascension dans cette étendue d’albâtre.
Durant l’ascension, j’aperçois au loin une vertigineuse arête suivie du magnifique sommet en dent de requin. C’est l’Hamperokken, sculpture aérienne et terrible !
Jusqu’au col de Rødryggen
Dès que nous abandonnons les arbres, une vaste étendue ondulée s’étend devant nous. Elle écrase la perspective et nous rapproche du sommet. Veine illusion ! Il nous faudra encore 2h30 pour atteindre le sommet. À cet instant précis, nous pénétrons dans un royaume d’une blancheur éblouissante. Pourtant, les nuages nous rattrapent progressivement et avec lui un temps beaucoup moins engageant. Déjà, les montagnes derrières nous voient leur aspect modifié : de magnifiques joyaux glacés, elles se transforment en silhouettes inquiétantes.
En même temps que nous nous engageons dans ce désert blanc, le ciel se couvre et transforme les montagnes en géants d’une mythologie oubliée.
Notre avancée est lente mais régulière. 1h plus tard nous atteignons le col entre le Tromsdalstinden et le Rødyggen appelé par les locaux la “Selle” (Saddle). Nous sommes au pied du sommet. Il doit rester 500m de dénivelé. Pourtant l’espace d’un instant. j’hésite hésite à continuer. Nous sommes totalement enveloppés par des nuages et le vent redouble d’intensité. Là où nous sommes, ce n’est pas un problème mais plus haut sur l’arête cela peut être vraiment problématique. Heureusement, les nuages partent aussi vite qu’ils ne sont arrivés. Nous entamons l’ascension finale !
Jusqu’au sommet
L’ascension du Tromsdalstinden en hiver est, à mon sens, plus facile qu’en été (bien que plus dangereuse). De fait, la neige couvre l’entièreté du chaos rocheux qui constitue sa face Sud-Ouest. Par contre, elle crée un nouveau danger : une gigantesque corniche sur la face Est de la montagne. Lors de l’ascension, il faut ABSOLUMENT rester au centre de la face. Plusieurs personnes sont mortes ces dernières années ! Cette précaution est d’autant plus importante à proximité du sommet car il n’y a plus qu’une bande de 20 mètres praticable.
Lors de l’ascension, j’ai ressenti des sensations que je n’avais plus connues depuis mon ascension du Mont Blanc. Nous marchons à petits pas et évitons de nous arrêter. Le vent souffle tellement que chaque pause est une torture. Le moindre bout de chair gèle instantanément ! Sur le dernier kilomètre, avec l’effet combiné du poids du sac et du vent, j’avance parfois à quatre pattes pour ne pas glisser tant la pente est forte ! À ce moment-là, j’ai regretté d’avoir mon appareil photo en main plutôt que deux bâtons !
C’est dur et magnifique à la fois. On se demande ce qu’on fout là à grimper en regardant nos pieds. Puis, on lève la tête et on contemple un paysage à 360°. Escalader une montagne est aussi inutile qu’essentiel. C’est un art de souffrance et de beauté !
Après un dernier ressaut, nous arrivons au sommet ! Le vent est glacial. Il doit faire entre -25 et -35°. Je sors à peine 30sec les mains pour prendre une photo que le froid et la douleur les meurtrissent instantanément. Nous prenons néanmoins quelques minutes pour profiter de la vue extraordinaire. La ville est à nos pieds dans son écrins montagnards. Spendide ! Ces quelques minutes de contemplation sommitale ont un prix. Mes mains sont congelées. Il faut descendre.
Descente
Après quelques centaines de mètres, je récupère un peu de sensation dans les doigts. Maintenant, c’est le visage qui est meurtri par le vent du Nord. En effet, je peux m’empêcher d’admirer toutes les montagnes autour de Tromsø, plus impressionnantes les unes que les autres, elles semblent vouloir protéger cette ville parmi les plus septentrionales au monde d’une quelconque agression venu d’au-delà…
Winter is coming ! Pourtant, je peux vous assurer que pour le coup, NOUS sommes les “marcheurs blancs” !
Pour ajouter un peu de fun, nous sortons nos “rain cover” de sacs pour descendre les portions les plus abruptes plus rapidement. Malheureusement pour nous, la neige tassée par le vent et verglacée n’est pas des plus agréable ^^.Alors que nous faisons les gamins sur les pentes de la montagne, le ciel se déchire à nouveau. Le soleil a définitivement gagné la bataille du jour. Il nous accompagnera jusqu’à la fin de la randonnée.
Une fois passé la fameuse “Saddle”, il ne reste plus que la longue descente en “tole ondulée” qui me paraît désormais interminable. La fatigue pointant le bout de son nez, mon esprit divague dans cette étendue infinie bordée d’une dentelle de montagnes. Vincent me précède et sa silhouette au loin me permet enfin de rendre un juste hommage à l’immensité des lieux. Nous avons été totalement seuls durant cette journée en montagne. Finalement, la Norvège possède cette agréable banalité : le silence et la solitude.
Et dans le lointain, je perçus les vers des anciens skalds. Enfin, le pensais-je… Le dénivelé et le froid m’imposaient simplement leur royaume hivernal !
Parcours – Ascension du Tromsdalstinden en raquette
PLAN IGN
PHOTOS AERIENNES / IGN
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Informations techniques
Ascension du Tromsdalstinden en raquette
Informations complémentaires
Départ
Le départ de ce parcours se fait au départ de la vallée de Tromsdalen. Il existe un parking à proximité des usines de Leirbakken.
Difficulté
Avec ses 1200D+ sur 6km d'ascension, cette randonnée est loin d'être aisée. A fortiori en hiver où la météo et les éléments peuvent la rendre extrêmement dangereuse voire mortelle sur la corniche de la face Est.
Elle ne doit s'entreprendre qu'avec une bonne connaissance de la montagne.
N'hésitez pas à faire demi-tour si la météo devient trop dangereuse, l'accès au sommet peut s'avérer mortel.
Parcours
Le parcours n'est pas balisé. Cela nécessite donc une bonne lecture de la montagne. Le parcours remonte un torrent avant de se faufiler jusqu'au "Saddle" le col au pied de l'ascension finale. Cette dernière est très pentue et peut être extrêmement glissante. Un matériel de Haute Montagne et éventuellement un encordage en hiver est recommandé.