L’Ardenne m’inspire. Je pourrais y rester des jours à m’y perdre pour la contempler. Comme Henri David Thoreau, je suis un adorateur de l’automne. À cette saison, l’Ardenne s’habille de lumière et devient un trésor mordoré extraordinaire. Les couleurs d’automne en Ardenne créent alors une multitude d’atmosphères éphémères dont il faut profiter. Écoutez ! Écoutez l’appel de la forêt, l’appel d’Arduina… Je vous emmène !
L’appel de la forêt
I went to the woods because I wished to live deliberately, to front only the essential facts of life, and see if I could not learn what it had to teach, and not, when I came to die, discover that I had not lived.
– Walden or Life in the woods, Henri David Thoreau
La grande forêt d’Ardenne m’a toujours inspiré depuis mon plus jeune âge. Elle représente pour moi un espace de sauvagerie et de liberté mais aussi de légendes et de mystères. Tantôt aussi sombres qu’une nuit sans lune, tantôt dorées comme l’oriflamme des héros de jadis, ces vastes étendues sylvestres construisent les entrelacs pourpres de la plus belle enluminure : l’automne.
Feuille à feuille, l’automne transforme les bois en une palette de couleurs riches et flamboyantes. La forêt devient la scène d’un opéra baroque éphémère que l’hiver viendra éteindre. Faisant pâlir les couleurs mordorées, ce dernier plongera l’Ardenne dans une monochromie gothique et terrifiante. L’automne est le feu d’artifice qui annonce la solitaire et noire nuit de l’hiver.
Zéphyr laisse la place à son frère Borée. La forêt frissonne et s’enflamme. Dévoilant ses couleurs, elle se révèle toute entière et ses hôtes participent au spectacle. Le roi de la forêt, comme résurgence de l’écho lointain de Cernunnos, éructe depuis les profondeurs forestières. Accompagnant cette oraison sylvaine, toute la faune accompagne la mort de l’été tandis que la forêt se transforme en bûcher cosmique.
Voici donc l’animal porteur d’une forêt de symboles, tous apparentés au domaine obscur de la force vitale.
– Pierre Moinot, Anthologie du cerf
Légendaires, l’Ardenne se pare encore davantage de mysticisme durant l’automne. Comme si le dieu cornu et ses myriades d’êtres folkloriques avaient regagnés leurs antiques forteresses, la forêt d’Ardenne fait renaître les vieux grimoires. Le vent et la brume, longtemps réfréné durant l’été, en font écho. Trolls, nutons, massotais, reprennent confiance car leur seigneur est de retour, mugissant des tréfonds de la forêt pour éloigner les hommes.
Forêt d’automne, forêt de mystères
À cette saison, j’aime me lever aux aurores et me diriger vers le Parc naturel des deux Ourthes pour vivre un weekend de déconnexion en pleine nature. Véritable trésor de l’Ardenne, il rassemble une grande variété d’éco-systèmes : forêts de feuillus, de résineux, des fonds de vallées humides mais aussi de landes encore appelées fagnes ou fanges. Ces dernières sont des respirations au milieu de la forêt qui, grâce aux écrivains gothiques et romantiques de jadis, prennent la forme de contrées brumeuses et mélancoliques.
C’est avec avec ce bagage littéraire et romantique que j’aime me perdre dans les denses et enchanteresses forêts de la région. Gardant à l’esprit cette vaine, mais pourtant tenace, envie d’observer la fantaisie sylvestre, je scrute chaque recoins de la forêt en quête d’êtres légendaires. Les jeux de lumière, la couleurs étrange de certaines feuilles, les champignons deviennent autant de manifestations de leur existence.
L’homme rationnel qui est en moi ne cesse de me me rappeler l’illusion dérisoire à laquelle je m’accroche. Pourtant, le barde présent dans mon esprit continue à capter tous ces détails insignifiants pour tenter de prouver la véracité future de ses écrits. Cette dualité finit ici même, dans cette article, par un constat : il n’y a pas d’illusions en Ardenne, seulement ce qu’on souhaite y voir. Baigné par tous ces contes et légendes, l’Ardenne poussera chaque individu de raison à se rappeler que la seule barrière à la réalité des mythes est notre esprit…
Couleurs d’automne en Ardenne
There is pleasure in the pathless woods,
There is rapture on the lonely shore,
There is society where none intrudes,
By the deep sea and the music in its roar
I love not man the less, but Nature more.
– Lord Byron, Child Harold
En automne, je ressens l’irrépressible envie de quitter la société pour vivre dans cette sauvagerie absolue et magnifique. Laissant derrière moi les turpitudes sociétales et endossant la pureté d’une nature totale, j’abandonne l’orée pour m’enfoncer dans les profondeurs de la forêt.
L’automne est une période absolument extraordinaire en Ardenne. Bien plus que les couleurs, la forêt respire à plein poumon à cette saison. On y croise une multitude d’animaux comme des sangliers, des cerfs et des chevreuils. En ce mois de septembre 2017, il m’a même été donné de voir mon premier chat sauvage, une expérience que jamais je n’oublierai. S’abandonner à rôder dans l’Arduina Silva, c’est revêtir la cape des épopées fantastiques.
L’automne flamboyant nous amène à sentir et ressentir les moindres nuances de la forêt. Être en pleine nature à cette saison est l’élixir qui pansera les plaies de la société. Être en contact avec la Nature grandit l’homme. Contempler ces richesses colorées nous amène irrémédiablement à prendre conscience de la richesse naturelle de l’homme. Dans la Nature se trouve la base de tout, nos droits et nos devoirs envers elle et envers autrui. C’est en elle que John Locke fonda l’entièreté de sa philosophie, base de nos démocraties contemporaines.
In the wilderness, I find something more dear and connate than in streets or villages. In the tranquil landscape, and especially in the distant line of the horizon, man beholds somewhat as beautiful as his own nature
–Emerson, Nature
Il n’y a rien de plus beau et de plus pur que d’apprécier chaque infime détail des bois. Chaque souche, chaque champignon, chaque brin d’herbe devient l’élément déclencheur de la fantaisie forestière. Contempler la forêt, c’est voir l’objet des songes en chaque chose. C’est accepter de rendre au merveilleux la beauté de l’inexplicable. C’est ranger au placard le rationalisme mortifère pour redevenir un enfant et s’émerveiller de toutes ces nuances.
Au gré de nos vagabondages automnales, Cèpes de Bordeaux, Girolles ou Morilles récompensent le promeneur. Il suffira de les cuire sur le feu, d’ouvrir la petite bouteille de bière qui est au fond du sac pour que la soirée soit la plus belle ! Avec des champignons, le bivouac devient en un instant le banquet forestier le plus attendu de l’année.
Cueillir des champignons, ce n’est pas revendiquer le savoir de ce qui est bon ou non, c’est avoir la politesse d’inviter vos camarades autour du feu quelques heures plus tard. C’est inviter le premier venu à profiter d’infinis instants de silence autour du feu. Le champignon n’est pas seulement créateur de rêves quand on a la (mal)chance de se tromper, il est aussi celui qui adapte le silence à sa saveur…
La constance céleste du bivouac
L’ombre s’étend sur la forêt. Les derniers rayons du soleil disparaissent sous l’horizon. Je m’enfonce alors dans la forêt pour trouver le lieu idéal où passer la nuit. J’aime que ce lieu soit scénique et théâtrale car, autour du feu sous la voûte céleste, les histoires prennent vie en dansant dans les flammes.
Il y a une forme de constance céleste dans le bivouac. La magie descend des cieux pour animer la flamme et donner vie aux légendes.
Je m’assieds. Le bois est rassemblé. Je gratte une allumette. Le bûcher s’embrase et consume les branches. Il y a une forme d’ascèse à allumer et entretenir un feu. Ces gestes multi-millénaires résonnent sous la voûte étoilée. Ils possèdent la force de l’instant contrairement au savoir poussiéreux des grimoires.
Une fois lancé, on y cuit les champignons cueillis durant la journée, on les mange en contemplant la voie lactée tout en profitant de l’instant. Le repas peut sembler frugale pourtant c’est souvent le meilleur au monde par sa simplicité et surtout son indépendance. On profite de la chaleur du feu et l’on se satisfait de la danse des étoiles.
Les flammes créent cette atmosphère protectrice contre les ténèbres, celui qui, depuis la nuit des temps, pousse l’homme à considérer le feu comme son foyer.
Lors d’une de mes dernières nuits de bivouac, les borborygmes de la nuit était particulièrement puissant. La brume s’était déposée, vaporeuse et mystérieuse, sur la fange. L’atmosphère était particulière. J’y sentais toute la puissance mystérieuse de l’Ardenne. Le bruissement des feuilles, les bruits de pas et le nasille des sangliers dans le lointain ajoutait une touche de bestialité totale que je vous conseille de tester au moins une fois dans votre vie. C’était une des premières fois que je sentais cette effervescence forestière aussi près de moi.
La magie des matins brumeux
Après une nuit en pleine nature, ouvrir sa tente au silence de l’aurore est un instant magique et singulier.
Vous ouvrez les yeux. Malgré le froid matinal, vous prenez conscience que vous êtes encore en pleine nature. La magie de l’aurore c’est de vous faire prendre conscience d’être libre et complètement oublié. Je suis là, quelque part, au milieu des bois. Personne ne sait que je suis là. La nature n’en a que faire. Je sors de la tente et peut alors presque égoïstement savourer un spectacle unique.
Le soleil pointe au dessus de la canopée. En ce matin de mi-octobre, la brume s’immisce dans la vallée en suivant le lit des cours d’eau comme si la fange cherchait à se couvrir, honteuse d’être découverte par la froideur du matin. Quelle spectacle ! L’aurore possède une beauté humble que le crépuscule, orgueilleux, ne possède pas. Quand je contemple ce spectacle, j’aime me rappeler cette citation de Nicolas Vanier :
L’aurore est un spectacle de pauvres, le crépuscule un opéra de riches.
Rempaquetant le campement et ne laissant derrière moi que la rumeur de mon passage, je prends systématiquement conscience de l’importance de cet instant privilégié. La beauté de ces moments sont aussi fragiles que le milieu qui leur sert de théâtre. Passer une nuit en bivouac en pleine nature nous fait prendre conscience de notre impact quotidien. Quand, dégagé du superflus, on se rend compte de l’impressionnante simplicité de la vie.
Randonnée “Into the Wild”
Envie de vivre une expérience en pleine nature en Ardenne ?
Je vous propose ici la randonnée que j’ai eu la chance de faire grâce à Visit Ardenne. Elle vous emmènera au cœur d’une des plus belles forêts d’Ardenne sur le Plateau des Tailles où il est encore possible de se perdre dans pure nature. Pensez à prendre votre tente dans votre sac-à-dos, une aire de bivouac se trouve sur le parcours. Pourquoi ne pas en profiter pour passer la nuit à la lueur du feu ?
Parcours – Randonnée au coeur de Pallastunturi
PLAN IGN
PHOTOS AERIENNES / IGN
OPEN STREET MAP
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Informations techniques
Rando "Into The Wild" - Visit Ardenne
Information complémentaire
Respecter la Forêt
Soyez respectueux de l’environnement. Cette forêt est extrêmement très giboyeuse. Soyez silencieux si vous souhaitez apercevoir du gibier. La randonnée sera supprimée en cas de dégradations repérées sur le parcours.
c’est superbe !
L’automne est vraiment ma saison préférée grâce à ses couleurs chaudes, la brume.
Ces photos sont superbes! J’habite à Prague mais revenir quelques jours chez mes parents qui habitent en Ardenne est à chaque fois un plaisir. Avec un père garde forestier, j’ai beaucoup vadrouillé dans les forêts de l’Ardenne. Ces photos sont superbes et me rappellent de nombreux souvenirs.
Merci beaucoup Nathalie, ton commentaire me touche beaucoup. C’est frais que nos forêts sont belles. Ces photos essaient juste de leur rendre hommage. Au plaisir de se rencontrer lors d’un retour en Ardenne 😉
Ou au plaisir de se rencontrer lors d’une visite en République Tchèque. Regarde « Cesky Raj » et « Suisse Bohème » sur internet, tu auras peut-être envie de les ajouter à ta liste de prochaines destinations ! 🙂
Juste magnifique! merci pour votre partage 😉 l’automne ma saison préférée aussi et je ne manquerais pas d’y aller. Je suis de Belgique dans la région des cantons de l’est très boisée aussi et je suis souvent dans les fagnes. Merci pour votre travail, bonne continuation 🙂
Merci beaucoup Dorothée ! Je connais bien les cantons de l’Est et les Hautes Fagnes bien évidemment même si je préfère les denses forêts de la Haute Ardenne 😉 Merci et à très vite sur les sentiers ?
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