En ce début 2021, j’étouffe, je suffoque au coeur de cette crise sanitaire qui s’empêtre. J’ai besoin d’air, j’ai besoin de vivre. L’hiver balaie un vent glacial sur l’Ardenne. Ce sont les conditions idéales pour partir en packraft sur l’Ourthe. De la Roche-en-Ardenne à la confluence des deux Ourthe et retour, j’ai vécu une parenthèse hors de la morosité quotidienne. J’ai respiré à plein poumon, j’ai eu froid, j’ai été mouillé, j’ai contemplé, j’ai été fatigué… Mais, je me suis surtout fait des souvenirs…
L’aventure est un état d’esprit : packraft sur l’Ourthe
En ce début 2021, l’atmosphère anxiogène que nos politiques imposent à la population belge m’exaspère. Je suis à bout. Bloqué dans une démocratie en crise qui bafoue nos libertés, je décide de prendre l’une des dernières qu’il nous reste encore : la nature. Celle-là même qui servit de base à John Locke pour fonder son célèbre droit de nature et que nos politiques feraient bien de remettre au centre du débat politique. Je prends donc la direction de l’Ardenne pour vivre une microaventure dans la vallée de l’Ourthe : remonter et descendre l’Ourthe en packraft depuis la Roche-en-Ardenne.
Je connais cette région par coeur. Pourtant, je suis parti avec la même soif de découverte que si je découvrais un endroit totalement nouveau. C’est ça mon état d’esprit : voir et revoir les « mêmes » endroits sous un jour différent. Durant ces deux jours, avec la neige, je n’étais plus en Ardenne. J’étais dans un monde enchanteur et féerique, emplis de légendes et d’esprits magiques. Il y avait des ambiances de grand nord. Il y avait surtout ce froid mordant qui nous rappelle pourquoi être dehors est important : c’est la vie !
Pour une lecture encore plus immersive de cet article, je te conseille d’écouter ceci :
Randonnée : remonter le cours de l’Ourthe
Quitter la Roche-en-Ardenne
Pour cette première microaventure de l’année, j’embarque des potes pour remonter le cours de la rivière à travers bois, bivouaquer à la confluence des “Deux Ourthe” et redescendre la rivière le lendemain. Pour nous accompagner, Borée souffle givre et neige sur l’Ardenne. Sous son manteau d’albâtre, elle ne tressaille point mais apparaît fière et brave. En son coeur, coule l’une de ces rivières au parfum d’aventure : l’Ourthe.
Dans le froid, l’indifférence devient la règle. On s’efface aux yeux du monde en s’enfonçant dans les bois, On devient une rumeur, une ombre, un fantôme, On disparaît mais on gagne la liberté.
Pourtant, on tourne directement le dos à la rivière pour se diriger vers le célèbre château. On le contourne pour attaquer la “Montagne du Deister. Cette dernière est une arête rocheuse qui domine la ville. De là, la vue dégagée nous offre un panorama somptueux sur la ville et son célèbre château. L’ambiance givrée de matin d’hiver, typique de l’hiver ardennais, nous enveloppe. Le soleil peine à percer et nous voilà déjà évaporés aux yeux de la cité médiévale.
Vers le Plateau des Tailles
Plus on monte sur le Plateau, plus la neige couvre le paysage. L’Ardenne se transforme alors l’espace de quelques jours (ou de quelques semaines) en une toute autre contrée. Habituellement brute, la neige donne à l’Ardenne la finesse délicate et l’éclatante majesté des grands espaces. Nous ne sommes plus dans l’un des pays les plus urbanisés au monde, nous sommes au coeur d’un des plus grands massifs forestiers du Nord Ouest européen. Là au coeur, de l’hiver, le froid et le givre transforment chaque escapade en véritable aventure.
Là en Ardenne, j’ai trouvé une connexion avec les éléments. J’y ai trouvé un terrain de jeu discret et réservé. J’y ai trouvé mon “Walden”.
Au coeur du Plateau des Tailles se trouve l’un des villages les plus isolés d’Ardenne : Borzée. Nous prenons sa direction tandis que le vent du nord se lève et amène avec lui des nuages d’une teinte grise offrant tout un panel de contrastes. Nous contournons le village afin de rester dans ce paysage de bout du monde. Pourtant, il est temps, déjà, de se diriger vers l’aire de bivouac situé plus au sud. Cela signifie également que l’on va se rapprocher de la vallée de l’Ourthe et de son imparable relief.
Confluence, par monts et par vaux
Après avoir atteint la première route depuis le début de notre journée, il est temps de flirter quelques heures avec les rumeurs de la civilisation. Nous grimpons jusqu’au point de vue des Crestelles, où nous cassons la graine, puis nous prenons la direction de Bérisménil. Avec la neige et le vent glacial, je ne peux m’empêcher de penser aux soldats américains lors de la Bataille des Ardennes qui ont combattu sur ces terres avec une météo sensiblement similaire. L’hiver, l’Ardenne peut rapidement devenir un calvaire tant les conditions peuvent être difficiles.
Succession de “murs”, le dénivelé de la vallée de l’Ourthe est une hache qui s’abat sur le randonneur. Les jambes coupées, il n’a plus qu’à prier les esprits de la forêt de venir à son secours !
Malgré le froid, malgré le dénivelé, je savoure chaque instant. Pour moi, elle est là, la liberté ! Tracer son parcours, choisir son chemin et n’avoir de compte à rendre à personne. Je pense que c’est en partie pour cela que nos politiques musellent l’accès à la nature. Ils sont les foyers de liberté, de pensées divergentes, d’alternatives. Chaque instant que je passe en Nature me fait prendre conscience de l’état de délabrement de notre classe politique et de notre démocratie. Je constate aussi que les écrivains naturalistes que j’apprécie (Thoreau, Emerson, Nash, Tesson et Locke) ne sont pas que des chantres de la nature. Ils sont surtout des chantres de la liberté !
Bivouac hivernal à la confluence des Deux Ourthes
Au delà de la nuit glaciale
Alors que la nuit tombe en cette fin d’après-midi de janvier, l’appel du feu de camps, des lyophilisés et des histoires de voyages se fait ressentir. Il faut dire que cette journée fut particulièrement éprouvante ; 21km et 1000D+ avec un sac flirtant avec les 15kg, ce n’est pas rien. Ce petit bivouac en Ardenne fera un bien salvateur. Lorsque nous arrivons à l’aire de bivouac de la Confluence des deux Ourthes (aujourd’hui fermée), nous ne sommes pas les premiers. Cela casse un peu le mythe. Cependant, nous trouvons rapidement un endroit à l’écart pour planter notre tente et nous nous joignons à un groupe autour du feu.
Feu de camps, spectacle hypnotique où se racontent les plus grandes aventures passées ou à venir. Feu de camps, catalyseur d’aventure et de révolution !
L’aire de bivouac était située proche de l’eau et en vallée. Une fois installé, la température a rapidement chuté. Cela ne nous pas empêché de partager récits, conseils et anecdotes autour du feu. Cependant, le froid est rapidement venu me border. En effet, après avoir mangé, je n’avais qu’une envie : me blottir dans mon nouveau sac de couchage Valandré. Malgré sa température de confort -11°, et bien que confortable, je me suis surpris au cours de la nuit à rajouter un petit t-shirt (je dormais en caleçon). En réalité, il s’est avéré le lendemain que la température avait chuté à -8°… Le petit frimas de milieu de nuit n’était donc pas étonnant.
De l’ombre à la lumière
En ouvrant ma tente givrée le lendemain matin, tout est baigné dans la brume. La confluence offre une atmosphère sombre et lugubre. J’ai toujours adoré ce genre d’ambiance, sans doute un héritage de ma passion pour le métal et le romantisme gothique… Quoiqu’il en soit, ce matin-là sera assez exceptionnel. Alors que je m’affaire à ranger mes affaires pour me réchauffer. Le plafond s’élève et laisse entrevoir fugacement le soleil. Puis d’un coup, les nuages se déchirent. L’aire de bivouac est alors divisée. Au sud, le soleil s’impose à travers la brume tandis qu’au nord, elle s’accroche au relief et maintient la vallée dans l’ombre.
L’homme, aujourd’hui, paraît oublier que le respect de la nature est une preuve absolue de civilisation.
– Adrien de Prémorel, Dans la forêt vivante.
Le matin en bivouac, j’ai mon petit rituel. Je range mon barda et puis je me fais une kuksa de café. C’est ma manière de célébrer une nouvelle journée en pleine nature et de remercier la terre de nous mettre autant de beautés sous les yeux. Je ne suis pas un homme de religion mais je suis un homme de nature. Pour moi, croire dans la toute puissance de notre terre ne relève pas de l’idéologie mais d’une question ontologique fondamentale. Aujourd’hui, l’on interdit au gens d’aller se promener en forêt mais on les autorise à s’entasser dans des supermarchés. Il n’y pas besoin d’en dire plus pour pointer l’affligeante médiocrité de nos sociétés et la soumission à la sacro-sainte déesse de la consommation.
Le froid, le silence et la solitude sont des états qui se négocieront demain plus chers que l’or.
– Sylvain Tesson
Packraft sur l’Ourthe
Aurore de feu sur le lac de Nisramont
Brume envolée, soleil éclatant, horizon en feu, ce sont les ingrédients de cette aurore ; la plus belle que j’ai pu contempler durant cette année étrange. Il ne reste plus qu’à mettre nos packraft sur l’Ourthe et entamer notre descente pour que le tableau soit parfait. La première partie de notre parcours nous amène jusqu’au barrage à travers le lac de Nisramont. J’ai déjà eu mainte fois l’occasion de naviguer sur ce lac mais jamais, jamais, je n’avais eu une atmosphère aussi éclatante. Je pense que ce fut tout simplement l’une des plus belles lumières qu’il m’ait été donné de contempler en Ardenne.
Je m’applique à ramer aussi silencieusement que possible : chaque coup de rame est une prière, l’eau ruisselle sans bruit sur les pales, et les arbres à moitié submergés défilent lentement
– Rick Bass, Journal des cinq saisons
D’un côté du lac, la brume peinait à se lever et de l’autre le soleil flamboyait. Dans ce décor, aucun de nous n’osait parler. Face à tant de majesté, le silence s’impose. Pagayer dans un tel décor devient un sacerdoce. On ralentit. On lève les yeux et on contemple. Là, sur la cime, le givre s’accroche et le froid s’immisce. Chaque goutte d’eau gèle instantanément sur le packraft, quelques aigrettes rompent la quiétude puis disparaissent dans la brume. Déjà, nous arrivons au barrage. Seul portage de la journée, il nous faudra marcher quelques centaines de mètres pour atteindre la rivière.
Packraft sur l’Ourthe : Lumière divine jusqu’à Maboge
Notre microaventure en packraft sur l’Ourthe peut continuer. Cette fois-ci, fini la sérénité du lac, on va pouvoir aborder le côté sauvage de la rivière. Ce n’est pas la première fois que j’en parle mais l’Ourthe est, à mes yeux, sans doute la rivière la plus sauvage d’Ardenne (dans son comportement). En effet du barrage à la Roche-en-Ardenne, il y a environ 20km qui emmènent les navigateurs dans une vallée encaissée et souvent sans trace de civilisation. Même si cette dernière n’est jamais loin, on a vraiment l’impression d’être au milieu de nulle part. De plus aujourd’hui, le froid semble anesthésier chaque bruit. Néanmoins, cela ne doit pas nous faire oublier les obstacles que l’Ourthe peut mettre sur notre trajet.
L’Ourthe respire. Chaque cliquetis des vagues sur les rochers en est l’expression subtile et hypnotisante.
Le courant est impressionnant. On est dans les premiers jours de réouverture de la rivière après les fortes pluies des semaines précédentes. On avale donc les kilomètres avec une facilité déconcertante. La rivière déroule ses rapides, notamment celui, célèbre, des Ondes… Gonflé à bloc, il nous offrira notre dose d’adrénaline sur ce parcours relativement facile. Le niveau hivernal de l’eau nous oblige à la prudence même s’il évite à nos embarcations de frotter (comme c’est le cas en été). Hormis ces quelques obstacles, le parcours nous permet de contempler le célèbre rocher du Hérou et les nombreux méandres baignés dans cette magnifique lumière. Après un arrêt casse-croute au pied de la forteresse celtique du Cheslé, nous traversons le petit village de Maboge (le seul de la journée).
Packraft sur l’Ourthe : l’ombre de l’hiver nous rattrape
A mesure que la journée avance, le soleil embrasse dangereusement l’horizon. L’obscurité gagne la vallée de l’Ourthe. Notre descente en packraft sur l’Ourthe prend alors une autre tournure. Le froid qui s’était évanoui un temps soit peu face au soleil revient à la charge. On remet des couches tandis qu’on aborde les derniers méandres avant d’arriver à la Roche-en-Ardenne. Ces méandres ont moins de charme car nous rejoignons la route sur environ un kilomètre. La civilisation efface le silence, comme toujours. Irrespectueuse, elle s’impose sans demander son dû. Au loin, nous percevons les rumeurs de la ville. Les bâtiments habillent désormais les berges.
Et quand, au soir d’une lumineuse journée, déjà rodé le crépuscule, on croirait voir encore, à la cime des hêtres, un rayon de soleil oublié qui sommeille.
– Adrien de Prémorel, Dans la forêt vivante.
Les kilomètres se font sentir dans les bras. La fatigue laisse entrer le froid jusqu’à nos entrailles. Il est temps d’arriver et de se réchauffer. Un de mes compagnons d’aventure tremble à chaque coup de pagaie, congelé de sa nuit, trempé de la journée.. Alors que Sylvain et moi parlons de chasse et de préservation de la forêt, nous entamons le dernier méandre de notre microaventure en Ardenne. Cependant, il y avait un obstacle que j’avais oublier : le passage du barrage annonçant l’entrée de la Roche ! Avec le débit, une vague inversée accueille nos frêles esquifs. Ceux qui n’étaient pas mouillés le sont désormais. Puis, majestueux, le château nous accueille. Humblement, nous le saluons. Secrètement, nous débarquons ; des souvenirs plein la tête et en possession des ingrédients de la liberté.
Parcours : Deux jours de randonnée, bivouac et packraft sur l’Ourthe
Sur demande
Le parcours de cette microaventure en Ardenne est disponible sur demande. Vous m’envoyez un petit mail via le formulaire ci-dessous avec vos motivations et la date de votre départ.
Pourquoi ?
Vous allez me dire : pourquoi vous demandez cela et ne pas vous permettre un accès direct à la randonnée comme je le fais sur d’anciens articles ? La raison est simple et je vous l’explique ci-dessous.
Covid = tourisme de masse = pression sur le milieu
Depuis un an, vous avez envie de découvrir notre belle Ardenne dont je vous vante les beautés depuis bientôt 9 ans. Seulement voilà, avant le covid, nous n’étions que quelques irréductibles à en profiter. Aujourd’hui, nous sommes des milliers. Je suis bien évidemment heureux de voir que vous êtes de plus en plus de passionnés à vivre des microaventures en Ardenne ; et ce grâce, peut-être, à ce blog.
Cependant, la pression sur les biotopes et sur certains sentiers se fait ressentir. En tant que blogueur, je me dois de jouer un rôle en vous sensibilisant au respect de la nature. C’est la raison pour laquelle, je ne souhaite pas laisser disponible au tout venant mon parcours. Je ne suis pas contre de le partager mais je souhaite le faire avec des personnes motivées et respectueuses qui auront pris la peine de me contacter.
Embarque avec Cairn Outdoor
Dans cette perspective, avec mon agence, Cairn Outdoor, nous avons créé une formule avec bivouac sur un terrain privé. Cela vous permet de vivre cette microaventure tout en étant encadré et en pouvons dormir légalement dans un bois à proximité de la rivière. Cela permet aussi d’encadrer les flux de personnes de plus en plus nombreuses à vouloir partir à l’aventure dans notre belle Ardenne.
Certains vont sans doute me critiquer en disant que je veux vendre mes activités. Je vous dirai que c’est le cas ! En même temps, ce blog est un des rares à ne proposer aucune pub, aucun pop-up, très peu de liens sponsorisés. De plus, en choisissant Cairn Outdoor, vous choisissez le respect de la nature et une expérience unique à vivre en très petit groupe (max 6 personnes).
Belles images. Tu es motivé de camper avec moins 8 degrés ! Mais ça a l air top ce bivouac, et bien différent d une rando à la journée pour bien profiter des lieux.
MErci Cyril ! Et désolé pour le retard de réponse ^^ Comme on dit, il n’y a pas de mauvaise météo, que de mauvais vêtements 😉 Et effectivement, le fait de le faire sur deux jours permet de s’imprégner des lieux comme jamais 🙂
Je viens de parcourir ton blog et je me suis régalé. Ça me tente vraiment
Merci pour ce partage.
Eddy
Merci pour cette belle proposition de randonnée et les magnifiques photos.
Avec un ami français, nous avions prévu de faire la GR 20 en Corse (partie sud).
Je voulais avant (le week-end du 5/6 juillet), l’amener faire une randonnée dans les Ardennes dont je suis originaire et lui montrer, par la même occasion, que nos espaces verts et sauvages n’avaient rien à envier de ceux des pays voisins.
Je pense que cela sera une bonne préparation pour le GR 20.
Auriez-vous l’amabalité de m’envoyer l’itinaire ?
Pouvez-vous me donner des conseils pour bivouaquer sur l’itinéraire ?
Merci d’avance.
Bien à vous.
Christophe