Ma fascination des cabanes n’est pas nouvelle. Elle m’a amené à découvrir une cabane suspendue au dessus d’un fjord. Dès lors, malgré le brouillard, nous avons tenté le voyage et nous ne fûmes pas déçus ! Dormir dans une cabane au dessus d’un fjord est une expérience unique que je vous partage aujourd’hui. Vous me suivez ?
La quête d’une solitude partagée
Partir à la recherche d’une cabane est une quête de solitude et de silence. La cabane, tel l’ermitage, est à mes yeux le synonyme de retraite, de repli mais surtout d’introspection. Rentrer en cabane n’est pas toujours un moyen de s’extraire de la société, c’est aussi un moyen de se retrouver avec soi-même. Pourtant, la solitude peut se partager. Ainsi, j’ai décidé d’emmener trois amis dans une cabane au dessus d’un fjord en Norvège du sud. Dans le mutisme de nos divagations, nous confluons vers l’essentiel : la solitude de nos pensées dans le partage d’un moment unique. Là haut dans le mugissement du vent, nous ne sommes rien d’autres que quatre âmes à la dérive, dans une frêle cabane servant de radeau de fortune. Faire face à l’exigence des éléments est désormais devenu le seul moyen de nous sentir libre.
Look again at that dot. That’s here. That’s home. That’s us. On it everyone you love, everyone you know, everyone you ever heard of, every human being who ever was, lived out their lives. The aggregate of our joy and suffering, (…) every creator and destroyer of civilization, every king and peasant, every young couple in love, (…) inventor and explorer, (…) in the history of our species lived there, on a mote of dust suspended in a sunbeam.
– Carl Sagan, “A pale blue dot”
Pourtant, cette liberté est extrêmement fragile. C’est précisément ce que j’aime dans le texte de Carl Sagan, astronome américain. Nous ne sommes rien à l’échelle de l’univers. Le pire et le meilleur se côtoient sur “un grain de poussière suspendu dans un rayon de soleil”. N’est-ce pas vertigineux comme constat ? Il conclut encore plus cyniquement : “Dans notre obscurité, dans toute cette immensité, il n’y a aucun signe qu’une aide viendra d’ailleurs nous sauver de nous-mêmes”. Finalement, nous, aventuriers, recherchons ardemment cet état de solitude dangereuse (et inutile) mais profondément constitutif de notre situation dans le vide cosmique. L’absurdité, l’inconscience ou la sagesse nous poussent aléatoirement à vouloir partager ces moments. Le vrai bonheur n’est-il pas réellement atteint après avoir jouer avec le danger ?
Pour une lecture encore plus immersive de cet article, je te conseille d’écouter ceci :
Dormir dans une cabane au dessus d’un fjord
Une ascension dans le blizzard
En ce mois de mars 2022, la météo à notre arrivée en Norvège était à la neige et au blizzard. Pour cette première microaventure du séjour, rien ne semblait s’aligner au niveau du temps. A fortiori, rien ne présageait que puissions avoir un franc soleil lors notre sortie packraft dans le Nærøyfjord et notre bivouac à la Trolltunga. D’ailleurs, nous avons longuement hésité avant de partir en quête de cette cabane au dessus du fjord. À notre arrivée, le plafond nuageux se lève. C’est un signe, il faut y aller ! Raquettes aux pieds, nous progressons rapidement dans l’espoir de profiter d’une vue dégagée. Malheureusement, une fois arrivé dans le vallon bordant le promontoire sur lequel est supposé se trouver la cabane, le brouillard s’abat encore plus fortement.
Ce dernier est si dense qu’il devient extrêmement difficile de s’orienter. J’ai fait une erreur : ne pas emporter de carte avec moi. Ma montre est ma seule aide. Dans l’impossibilité d’estimer correctement les pentes, nous avançons à tâtons. Nous quittons le vallon et les quelques traces de ski pour créer les nôtres. Tout devient vite dangereux. Les pentes ont s’accentuent et on y voit pas à 5 mètres. Alors, j’estime, j’évalue et nous avançons tant bien que mal. Nos pieds et nos raquettes se tordent dans les dévers et le poids de nos sacs nous déséquilibre. Puis enfin, le dénivelé s’efface et devant nous un plateau à perte de vue.
Les minutes s’égrainent et toujours pas de cabane. Où est-elle ? Sommes-nous égarés ? La peur m’assaille. Devrons-nous planter la tente de back-up ? C’est beaucoup trop long ! Puis au bout du désespoir, une ombre, une épave dans cet océan blanc. La cabane pour les naufragés que nous sommes !
La cabane tremblante
Après la longue et interminable traversée du plateau, nous apercevons alors une ombre dans la brume. À peine distincte, nous l’attendons et la recherchons depuis des heures. Est-ce seulement elle ? Puis, l’ombre grandit et se matérialise. Nous l’avons enfin trouvée ! Le fjord est totalement masqué par le brouillard. On dégage alors la neige à la pelle pour se faufiler dans la cabane (nous n’arriverons pas à dégager la partie inférieure). Une fois à l’intérieur, c’est comme si nous avions toujours été chez nous. Directement, nous allumons le poêle, faisons sécher nos vêtements, lisons, refaisons le monde, buvons des litres de thé et de soupes Miso. Surtout, nous espérons que demain les nuages puissent se lever avec le jour.
Après des heures dans le blizzard, nous la trouvons enfin cette cabane au dessus du fjord. Elle ressemble à une épave échouée sur les rivages d’une quelconque contrée arctique. Le temps d’une nuit, elle sera notre royaume. Les lyophilisés et le thé, notre banquet. Les planches sifflantes, notre rempart face à la météo.
Là haut perdu dans le blizzard, seuls dans notre cabane soufflée par les vents, nous prenons conscience de notre vacuité. L’homme n’est rien. Si nous n’avions pas ce toit au dessus de nous, nous serions morts depuis bien longtemps. Le vent balaie, souffle et siffle tandis que le froid mord et pique. Être dehors en plein hiver au coeur des plateaux norvégiens, c’est faire face à l’armée des éléments naturels. Parés à en découdre, ils sont toutes armes dehors. Alors cette cabane devient notre ultime bouclier. Nous, nous nous y terrons dans la chaleur des flammes et de nos discussions. Le temps d’un soir et d’une nuit, nous sommes les rois ! Nous possédons le temps et le silence. Il paraît qu’il s’agit de la plus grande richesse selon Sylvain Tesson.
Un matin glacé et dégagé
Après l’obscurité, la lumière ! Au petit matin, je suis le premier réveillé. Je me précipite alors à la fenêtre : le plafond nuageux est au dessus des plateaux. Je saisis mon matos photo et cours dehors. Il fait glacial ! Le vent est si fort et accentue le froid qu’il est impossible de laisser mes mains dehors plus de quelques instants. Pourtant, ce matin-là, je touche pour la première de ce voyage le plaisir absolu. Celui de profiter de la beauté d’une frêle cabane suspendue au fjord. Ce dernier impressionne et créée devant la cabane une perspective épique vers un horizon menaçant mais qui colle parfaitement à l’ambiance hivernale et torturée de cette journée de mars.
L’homme est fascinant. Il aurait pu construire cette cabane au milieu du plateau. Mais non, il choisit la beauté d’une fenêtre sur le fjord, l’esthétique d’une cabane perdue dans un océan de nature et assume la futilité de son geste.
Alors j’oublie le froid mordant et je photographie la cabane sous tous les angles. Ce monde de gel et de glace convoque l’infini de l’horizon et la vacuité de l’homme. Même sur notre terre, il existe encore des espaces immenses où l’on prend conscience de notre petitesse face aux forces de la nature. “That’s here, that’s Home, that’s us”. Sur ce “pâle point bleu” gravitant dans l’abîme du cosmos, nous sommes chez nous. Malgré cela, il y a cette fascinante possibilité de s’extraire du monde pour vivre en marge, oublié de tous. Et c’est ce que sont toutes les cabanes : des poussières de liberté égrainées aux frontières du monde.
Une descente scabreuse
Malheureusement, toute bonne chose a une fin même au milieu des plateaux norvégiens. Nous quittons alors, non sans regret, cette cabane suspendue au dessus du fjord pour entamer la descente. En l’absence de brume, je décide de suivre le tracé de ma montre. En effet hier, avec mon orientation approximative, nous avions pas mal dévié. Ce n’était peut-être pas plus mal. En effet, aujourd’hui, on se retrouve à flanc de montagne dans des pentes assez exposées aux avalanches. Je teste la neige mais celle-ci est de bonne qualité et ne présente pas de risques. Nous entamons alors la traversée en veillant à prendre nos distances à défaut de pouvoir s’encorder. Le paysage est dingue et donne une impression de hautes montagnes alors que nous sommes à 800 mètres d’altitude.
Il est temps de quitter notre nid d’aigle, de redescendre en vallée et en esprit… Comme sortir d’un rêve, le réveil est difficile et brumeux. Ces expériences vous changent à jamais.
Après une interminable descente, nous rejoignons le chemin de la veille et filons dans la vallée. Alors que nous arrivons aux voitures, le ciel se déchire enfin et préfigure une suite de voyage plus clément. De fait, cette première microaventure norvégienne est la manière la plus parfaite de commencer une semaine dans la région des fjords en Norvège. Après avoir dormi dans une cabane au dessus d’un fjord, je vous emmène pagayer en packraft dans le Nærøyfjord et à bivouaquer à la Trolltunga. Ces trois échappées assument elles-aussi leur inutilité. Demain, le jour se lèvera dans sa normalitémais quatre personnes auront eu des étoiles dans les yeux. Comme quoi, l’émerveillement dans les yeux d’un homme contiennent autant d’étoile qu’une galaxie perdue dans les profondeurs de l’univers.
Matériel
Le matériel est toujours une affaire de compromis. Il répond à nos attentes mais dépendra des besoins de chacun. La liste que vous trouverez ici est, à mon sens, un bon point de départ si vous envisagez d’aller dormir dans cette cabane au dessus du fjord. Attention, cette aventure en hiver peut représenter un véritable danger si vous n’avez pas l’expérience du terrain et un mauvais équipement.
Randonnée
- Chaussures : Hoka One One Sky Kaha
- Pantalon : Fjällraven Vidda Pro
- Chaussettes : Smartwool Hike Light Cushion
- Bonnet : Fjällraven Byron
- Polaire : Karpos Vertice
- Sous-couche chaude : Icebreaker Oasis LS Crewe
- Surpantalon imperméable : Cimalp Advanced
- Veste imperméable : Cimalp Advanced
- Veste isolante : Fjällraven Skogsö padded
- Sac-à-dos : Osprey Aether 100l
Bivouac
- Tente : Hilleberg Allak 2
- Sac de couchage : Valandré Shocking Blue NEO
- Matelas : Exped DURA 5R
- Réchaud : Jetboil Flash
- Lyophilisés : Lyophilisé & Co (10% avec le code LYOPHOENIX)
- Down jacket : Bergans of Norway Expedition Down Parka
Neige/Glace
- Crampons : Grivel Air Tech New Classic Evo
- Raquettes : TSL Outdoor Symbioz Hyperflex Elite
Parcours – Dormir dans une cabane au dessus d’un fjord
Afin d’éviter, l’effet Instagram. J’ai décidé de ne pas mettre à disposition le parcours de cette microaventure. Néanmoins, si vous êtes en préparation d’un voyage dans la région ou si vous planifiez la même aventure, n’hésitez pas à me contacter pour avoir davantage d’informations.