Après plus de 6 ans sans course de montagne ni même sans compte-rendu de course sur ce blog, je vous reviens avec une des plus belles courses de montagnes que j’ai couru de courir : le Gran Trail Courmayeur dans sa version 55km. Ce retour à la course de montagne était un challenge à plus d’un titre pour en retirer sans doute l’une de mes plus belles expériences de ces dernières années. Vous me suivez ?
Retour au trail en montagne
2017, c’est l’année où j’ai écrit mon dernier article consacré au Trail. Quand j’y pense, cela fait une éternité au regard de l’histoire de ce blog. Créé en 2012, le trail était la seule et unique thématique. Il aura grandi et se sera développé grâce à cette discipline. Pourquoi ais-je arrêté d’écrire sur le trail ? Peut-être qu’un jour je prendrai le temps de vous l’expliquer. Cependant, en gros, la cause principale est un burn out sportif en 2016. Il m’a fallu 3 ans pour m’en sortir. Ensuite, le Covid, le lancement de mon agence d’aventure Cairn Outdoor, la construction de ma maison, m’ont tout éloigné du trail running. Tout simplement !
Pourtant, ce n’est pas l’envie qui manquait mais le temps. Alors en 2023, alors que j’affrontais de front un job “full time”, une activité complémentaire et le chantier de ma maison, j’ai voulu me prouver qu’il était possible de revenir en montagne “à l’arrache”. En planifiant les 55Km du Grand Trail Courmayeur, je ne visais pas un chrono. Je visais simplement la ligne d’arrivée. Je voulais raviver cette flamme qui m’a amené un jour à me lever d’un coup de mou et à construire le plus beau projet de ma vie : ce blog ! Et je ne vous fais pas languir plus longtemps : j’y suis arrivé !
Néanmoins, soyons clair. Avant de m’élancer sur ce Gran Trail Courmayeur, je continuais à courir régulièrement. Je continuais même à faire des courses. Seulement voilà, je gardais ça pour moi. En effet, s’il y a bien un effet pervers à être “blogueur trail”, c’est la pression que l’on se met. On ne veut pas décevoir les personnes qui nous suivent. Je ne voulais pas VOUS décevoir. Puis, une expédition en Laponie finlandaise en 2019 m’a fait prendre conscience d’une chose. Il est capital de faire les choses pour soi sans se sentir redevable de quoique ce soit. Le trail était devenu une obligation. C’était à l’opposé des valeurs qui m’avaient fait adhérer à ce sport.
Alors, j’ai décidé sans effet d’annonce de m’inscrire à mon premier trail en montagne depuis 2016… Sans entrainement spécifique et sans attente, juste le plaisir de courir et d’être en montagne… En voici son récit.
Gran Trail Courmayeur 55 km
Préambule au Gran Trail de Courmayeur
De 2017 (et mon ascension du Mont Blanc) jusqu’en 2022 (et un court séjour trail dans la vallée de Chamonix), je n’avais plus mis les pieds dans les Alpes. J’étais plus affairé à crapahuter en Scandinavie et à reléguer le trail en second plan. Je dois bien vous avouer que j’ai pris goût à l’aventure, la vraie ; celle où l’imprévu guide l’ensemble de l’expérience. Le trail est une aventure de soi. On ne sait pas jamais si on est bien préparé et on s’élance à corps perdu dans cette quête. Néanmoins, tout est balisé. Le parcours, la sécurité, tout a été prévu. L’imprévu est donc limité à soi.
Lors de mes expéditions, sur l’Ivalojoki, sur la Kaïtum ou même lors d’un bivouac hivernal en Norvège, c’est juste l’inverse. Vous savez que physiquement vous en êtes capable (plus ou moins) mais c’est le reste (les camarades, la météo, les blessures,…) qui constituent l’imprévu. Le paradigme est complètement différent. Il n’y en a pas un qui est mieux que l’autre : c’est différent. Alors, quand je m’inscris à cette course, c’est surtout pour vérifier que j’ai gardé un mental. Et pourtant c’était pas gagné comme je vous ai dit, je suis dans une des périodes les plus chargées et compliquées de ma vie.
L’entrainement est loin d’être une priorité mais au fond de moi, une petite voix me dit que j’en suis capable. Alors je m’y suis lancé, à corps perdu !
Départ, Pré-St-Didier et première grimpette
Arrivé la veille de la course, je rejoins les amis de Biotrail (un club de Trail de la région namuroise) à Courmayeur. J’ai juste le temps de récupérer mon dossard, manger un bout et regarder les camarades s’élancer sur le 100 bornes. Demain, c’est à nous ! La nuit est plutôt tranquille et je me force à manger mon petit déjeuner (ça a toujours été un challenge pour moi de manger avec la course). Étrangement, tout passe. Le sac de course est rempli de saucissons, de Haribos et de chips… Je suis prêt !Oui, mes ravitos ressemblent davantage à un apéro qu’autre chose. Les seules barres que je gère sont les Trôbons.
Le départ est donné à 7h du matin. La traversée de Courmayeur me donne des frissons. Cela fait tellement de temps que je n’ai plus vécu ces sensations. C’est unique quand même… Après avoir traversé Courmayeur, on descend la vallée jusqu’au village thermal de Pré-St-Didier. Cette partie n’est pas vraiment la plus intéressante. En effet, on descend la vallée sur un petit sentier longeant la rivière Dora Baltea surplombée par la voie rapide provenant du tunnel du Mont Blanc. Honnêtement, cette partie doit être présente uniquement pour des raisons techniques : allonger le peloton et éviter les embouteillages dans la première côte.
Cela fonctionne plutôt bien. Les 800 premiers mètres de dénivelés positifs dans les bois se passent sans encombre alors qu’ils sont peu intéressants. Par contre, une fois la lisière franchie, les perspectives s’ouvrent et je revois enfin ces montagnes qui m’avaient tant manqué. Un chemin de montagne fait place aux alpages, les alpages aux premiers single tracks. La météo est hésitante. Le soleil et la brume bataille. À l’arrivée du premier ravito, le premier semble remporter la bataille.
Jusqu’au premier ravitaillement, la course est relativement rapide. Tant mieux, ce n’est pas la partie la plus intéressante…
Sur le fil, arêtes effilées jusqu’au col de la Seigne
Un peu moins de 15km et 1200D+ se sont écoulés jusqu’au premier ravito. Il reste 6,5km et 1000D+ pour atteindre le point culminant de la course à 2859m d’altitude. Finalement, cette première moitié de course est assez dantesque avec ses 22km et 2200D+. La seconde moitié est assez spécial avec 16km de profil descendant avant d’attaquer une dernière ascension de 800 de D+ et redescendre définitivement dans la vallée de Courmayeur.
À ce premier ravito et pour ne pas réitérer mes erreurs passées, je prends le temps de m’arrêter. Je mange, je fais le plein en eau et repars après 5 bonnes minutes. Le gros morceau commence ici mais c’est aussi la plus belle partie. En effet, jusqu’au point culminant de la course, après 500 m de D+ dans les alpages, la course devient totalement minérale et nous amène sur les crêtes offrant une vue à couper le souffle sur le massif du Mont Blanc versant italien. Je pense que c’est probablement la plus belle partie de ce Gran Trail Courmayeur 55k tant au niveau du paysage que des sentiers, quasi exclusivement en arête et single track.
Alors que l’altitude me donne un coup de fatigue auquel je ne m’attendais pas, je suis surpris de garder un assez bon rythme malgré mon manque criant d’entraînement. Le cardio et le rythme respiratoire sont hauts et clairement, je ne suis pas dans ma zone de confort. Néanmoins, la beauté des paysages m’obsède que j’en oublie la douleur. Arrivé au point culminant de la course, je ne peux m’empêcher de lâcher une larme, pas la seule sur cette course. Je suis si heureux d’être de retour en montagne, chanceux d’être là, à cet instant précis ; béni d’avoir les jambes qui me portent jusqu’aux cieux.
Habitué au versant français, je suis sans voix lorsqu’après un coup de vent, la brume se retire et dévoile toute la magnificence des aiguilles montagneuses, acérées et du Mont Blanc imposant en arrière plan.
Du col de la Seigne au dernier ravito
Après ce magnifique passage, arrive le second ravito qui précède la longue descente jusqu’au col de la Seigne. J’y ai fait le plein et je retrouve un regain d’énergie dans toute la descente. Je me surprends à doubler pas mal de monde. Un léger faux plat me signale néanmoins que mes jambes ne sont plus de première fraîcheur mais étrangement, cela tient. Au col, nous rejoignons le célèbre parcours du Tour du Mont-Blanc. La vue sur l’ensemble de la vallée est tout simplement magique alors je continue de “simplement” profiter. Je m’en mets plein la vue en profitant de sensations au top. Cela ne durera pas.
En effet, peu avant l’arrivée au ravito du Refuge Elisabetta, je ressens d’un coup une baisse de régime. Je me souviens avoir vidé mes flasques et enfilé un demi-paquet de Haribo. La stratégie fonctionne quelques temps et me permettent d’atteindre le refuge sans trop d’encombres. Dans la descente je rencontre par hasard David, un Tharé. Il est sur le 100km. On discute et ça me redonne la patate. Cela sera de courte durée. La traversée de la plaine du Lac Combal est un enfer. Il ne faut pas être devin pour constater que je suis déshydraté et que j’ai probablement attrapé un coup de chaud. J’ai pourtant fait extrêmement attention jusque maintenant mais la météo fraîche du matin a fait place à un soleil écrasant. Concentré sur ma course, j’ai complètement oublié de me couvrir le crâne.
Dans la dernière ascension de la journée, je suis terrassé. Je n’avance plus, j’ai envie de vomir et de dormir. Alors, pour la première fois dans ma vie de coureur, je décide de m’assoupir un instant. Cela durera 10min. Je ne sais pas si cela m’aura été salvateur mais, au réveil, ma carcasse est toujours aussi lourde à trimbaler et je peine, littéralement, à l’amener jusqu’au dernier ravito. Cependant, je trouve au fond de moi le peu d’énergie qu’il me reste pour atteindre ce satané dernier ravito. Là, je m’y pose encore 5min afin de faire le plein d’eau et de sucre. Je prie pour que cela tienne jusqu’à l’arrivée.
Coup de chaud, terrassé par le soleil, le poids de chaque foulée s’ajoute comme un millier de boulets à mes pieds. Pourtant, je dois m’en extraire. Alors, je continue d’avancer par de-là la douleur et la chaleur.
Vers l’arrivée et l’au-delà !
Je quitte le ravito les jambes un peu plus légères. Malheureusement, cette impression est de courte durée. En effet, dans la descente finale, les jambes se tétanisent. J’ai des débuts de crampes, le prix du manque d’entraînement. Néanmoins, je tiens et maintiens mon rang. La chaleur est toujours aussi accablante. Je fais quelques arrêts à l’ombre. Enfin, au bout d’un temps qui me paraît infini, j’arrive dans la vallée. Le dénivelé cesse et mes jambes décident de reprendre du service, elles devaient “sentir l’écurie”.
L’ironie veut même que je retrouve un rythme assez correct dans le dédale des rues du bas de Courmayeur. Puis, enfin, l’arrivée se fait entendre. Je rattrape des coureurs dans le dernier faux-plat montant qui nous y amène. L’arrivée en ville est suffocante mais exaltante. Les spectateurs nous portent dans les derniers hectomètres, les amis de Biotrail aussi. Puis enfin, l’arche est en vue. Libération… Je finis les 55km et 3500D+ juste sous la barre des 10h avec 09h59 et 59sec. Si ce n’est pas un signe. Franchir cette ligne d’arrivée fut sans doute l’une de mes plus belles expériences de trail. En effet, j’ai pu me prouver que malgré le peu de temps d’entraînement, malgré le déficit de dénivelé et de montagne, j’avais le mental.
J’avais la niak de finir cette course mais surtout j’avais l’envie de vivre cette expérience sans pression, juste le plaisir d’être en montagne, de m’en prendre plein la vue et les jambes. Sur ce point, le contrat est plus que rempli.
Matériel :
Même si ce sont les jambes et le mental qui font le gros du travail, l’équipement joue son rôle. Voilà le matos que j’ai emmené durant ce Gran Trail Courmayeur :
- Chaussures : Hoka Speedgoat 5
- Lunettes : Julbo Edge
- Short : Salomon Wayfarer
- Montre : Garmin Fenix 7X Saphir
- Bâton : Guidetti Platiniul Neo
- Sac d’hydratation : Salomon S-Lab Ultra 10