J’ai eu la chance d’être tiré au sort cette année pour participer au Marathon du Mont Blanc 2016. De retour dans la vallée de Chamonix, je me suis élancé sur ma deuxième course de montagne (après l’OCC 2016) le cœur léger mais les jambes lourdes. Retour sur cette course en deux parties…
Il est cependant une autre catégorie de nomades. Pour eux, ni tarentelle ni transhumance. Ils ne conduisent pas de troupeaux et n’appartiennent à aucun groupe. Ils se contentent de voyager silencieusement, pour eux-mêmes, parfois en eux-mêmes. On les croise sur les chemins de monde. Ils vont seuls, avec lenteur, sans autre but que celui d’avancer.
Sylvain Tesson, Petit traité sur l’immensité du monde
Chamonix
Pour cette course, j’avais décidé de faire un aller-retour rapide sur le weekend. C’est une grossière erreur. Ce n’est pas tant la fatigue accumulée que l’impossibilité de faire plus “que” courir qui m’a déçu lors de ce séjour éclair. En effet, la vallée de Chamonix reste et restera à mes yeux une des plus belles. Malgré les quelques levées de bouclier que mon article “5 raisons de faire du trail à Chamonix” a pu lever chez certains. Je persiste et signe.
Cette vallée est exceptionnelle à plus d’un titre.
Il y a bien évidemment sa beauté. Il ne faut pas être un esthète bardé de diplôme pour apprécier la blanche domination du Mont Blanc sur la vallée et la myriades de glaciers offrant aux visiteurs ses plus beaux joyaux. Il y a également la multitude des activités qu’elle propose. Il y a bien sûr les randonnées et les sorties trail (je vous en avais déjà présenter plusieurs idées de rando-trail) mais aussi le parapente, le VTT, l’alpinisme, …
Il y en a pour tous les goûts mais aussi et surtout pour tous les niveaux.
Sur ce point, les remontées mécaniques permettent de diminuer le dénivelé et d’offrir à chacun l’opportunité de découvrir la montagne au dessus de 2000m.
Avant la course
Arrivée du 80 km
Arrivé en milieu d’après-midi, je suis directement mis dans le bain. L’appartement que je partage avec deux potes se trouvent au centre de la ville et les coureurs du 80km passent en dessous de notre fenêtre. Le timing est parfait. A peine, a-t-on fait quelques pas en ville que Geoffrey (le super photographe derrière les images illustrant mon compte-rendu de la Bouillonnante 2016) nous annonce l’arrivée de Fabian Magnée. On attend donc fébrilement l’arrivée du premier belge sur ce 80km rendu encore plus difficile avec la chaleur. La machine arrivera à une extraordinaire 26e place ! Chapeau bas, Monsieur !
Retrait du dossard
Quelques petites bières, un petit match de rugby et une bonne nuit de sommeil plus tard, on va chercher les précieux sésames sous la drache. Que dis-je ? Sous l’orage ! Les trombes d’eau s’abattent sur la ville. J’espère franchement que le temps va s’améliorer et je plains les malheureux participants du Cross pris au piège de ce déluge en pleine montagne. Cela ne doit pas être évident pour eux. Après les formalités d’usage, on récupère le dossard. Il y a toujours quelque chose de cérémoniel lors du retrait du dossard. Je ne sais pas dire si ce sont les formalités ou le regard mi-béat, mi-pensif des coureurs qui offre ce spectacle surréaliste…
Salomon Community Run
Je n’aime pas la journée d’avant-course.
On tourne en rond. On se repose, on flâne, on s’ennuie, on mange. On erre sans but alors qu’il y a une multitude de choses à faire. On préfère se préserver. Mentalement, cette journée est la pire de toute la préparation ! Heureusement, nous avions pointé un Community Run avec les petits jeunes du Team Salomon. Nous voilà donc en train de courir avec la jeune élite mondiale sur le parcours du 10km.
11km/h, j’adore la notion de footing cool ^^ On discute, on rigole, cela me fait oublier les jambes douloureuses et le souffle court… On finit dans une bonne ambiance et on met des visages sur des personnes que l’on ne connaissait que virtuellement.
Mauvais réglage
Car oui, ce petit run m’a mis en face d’un soupçon que j’avais depuis quelques jours. J’ai mal calé mon pic de forme. Je l’ai eu lors du Grand Trail du Saint Jacques. Ici, ça tire comme un vieux diesel s’étouffant. Pfff, je vais devoir bien gérer la course du lendemain sinon je risque de me retrouver comme sur l’OCC 2015 : complètement HS dans la montée vers La Flégère.
Pourtant, les montagnes sont là, toujours aussi majestueuses et l’envie de les parcourir est de loin plus forte qu’un apitoiement stérile sur moi-même. Et ça, c’est tant mieux !
Marathon du Mont Blanc 2016
Dimanche 26 juin 2016, Place du Triangle, l’arche est en place. Le Brévent embrumé veille sur nous. Les nuages restent accrochés aux contreforts masquant les sommets. Tous les coureurs sont là derrière l’arche de départ à attendre le départ.
Entouré par les montagnes, chaque coureur possède ce droit inaliénable de s’imaginer en gladiateur prêt à en découdre dans l’arène.
Ces quelques minutes d’attente avant le départ sont magiques. J’en ai encore des frissons en écrivant. Chaque départ de course est un paradoxe. L’envie d’en découdre sur le parcours combat les doutes qui nous assaillent au fur et à mesure que l’heure fatidique approche. Mais ici, à Chamonix, capitale du Trail, ce départ prend une autre dimension. L’année dernière j’expérimentais l’arrivée à Chamonix – magique, épique, dantesque. Le départ l’est tout autant.
Je jette un dernier regard vers le Kilomètre Vertical qui mène en ligne droite à Planpraz, lieu d’arrivée du jour. Je conclus un contrat tacite avec moi-même. Je verrai cette arrivée quoi qu’il arrive ! C’est dit, c’est fait. Les jambes auront mal, le souffle sera court, mais ils me mèneront sous l’arche final.
La mécanique de la “Finisher attitude” est enclenchée.
Part. 1. : l’autoroute forestière
Le départ est lancé. Les premières foulées sont hésitantes. La locomotive de plus de 2000 coureurs s’ébrouent et s’élancent lentement en traversant Chamonix. Les jambes semblent être moins récalcitrantes que la veille. On quitte la ville pour emprunter le large sentier de ski de fond qui nous mène le long de l’Arveyron en direction d’Argentière.
Roulante ?
Cela démarre rapidement. C’est toute la difficulté de ce Marathon. La première partie est “roulante”. Elle nécessite donc de ne pas trop trainer pour ne pas perdre trop de temps. D’un autre côté, il ne faut pas partir trop vite pour ne pas se cramer pour la suite. J’avais décidé de faire les 18 premiers kilomètres en 2 heures.
Je démarre trop rapidement et constate tout aussi vite que mon souffle n’est pas revenu et les jambes sont toujours raides. Après 3 kilomètres, je suis obligé de lâcher mes camarades de chambrée. Ils sont partis trop vite pour moi. Le constat est immanquable :
Je sais que cette journée ne sera pas qu’une partie de plaisir. Mais bon… Cela fait partie du jeu.
On m’avait dit que cette partie était roulante. Euh… Comment dire ? C’est vrai, elle est facilement courable mais il y a quand même quelques sacrés coups de cul. Je pense notamment à celui menant au Lavancher, à Montroc et au Col des Montets. Ce n’est pas technique mais cela vous impose quand même 650D+ en 18km. D’un autre côté, j’ai été agréablement surpris de trouver, entre Le Lavancher et Argentière, un single tracks en tole ondulée qui a réveillé les guiboles en berne.
Col des Montets
Une fois au Col des Montets, je connaissais le chemin pour l’avoir fait en sens inverse lors de l’OCC. J’en profite donc pour essayer de récupérer les quelques minutes de temps perdus dans les bouchons. J’arrive à Vallorcine en 2h06 ; pile dans les temps prévu.
Le premier ravitaillement est là. Je n’ai pas bu beaucoup. Je vais choper quelques bananes et fais l’appoint des flasques. Je bois une bonne rasade de coca car la suite s’annonce dantesque. En quittant Vallorcine, on attaque directement le plat de résistance du parcours : l’ascension vers le col puis l’Aiguille des Posettes.
Part. 2 : Up & Down
Aiguille des Posettes
L’ascension peut se diviser facilement en trois partie. La première est extrêmement pentue, dans les bois et en zigzag. Après ces 400D+, la seconde partie prend le relais avec un large chemin montagnard dégagé de végétation qui nous amène plus doucement vers le col. La troisième mène les coureurs vers l’aiguille en passant par une crête épique.
Dans les lacets forestiers, ce n’est pas évident d’avancer à son rythme. Je suis au milieu du peloton. Tout le monde se suit. Cela ne laisse pas beaucoup de latitudes. Le nombre de participants est vraiment le gros point faible sur cette course. Certains passages sont vraiment pénibles avec le monde présent sur les sentiers.
Heureusement, les lacets laissent places à un large chemin de caillasse. Les nuages sont tenaces. Ils bouchent complètement la vue. Pas de paysage mais, par contre, les jambes vont beaucoup mieux. Je discute avec Yannick, un belge On parle… Trail et course à pied. Bein tiens ! ^^ Le temps passe vite entre belges.
Le col est déjà en vue. Les frissons me parcourt l’échine. Comme le rideau de théâtre, les nuages se déchirent et dévoilent le Mont Blanc dans toute sa splendeur. Le spectacle est cependant éphémère et les nuages cachent à nouveau le massif, comme honteux de sa splendeur.
Le second ravitaillement est juste au niveau du col. Un guitariste joue du AC/DC. Le vent souffle par rafale ; scène surréaliste que les nuages emporteront avec eux. Disparu. La brume nous happent dans l’ascension vers l’Aiguille. Malgré l’absence de visibilité, on peut imaginer le panorama époustouflant que l’on peut avoir ici ! Les trouées dans les nuages dévoilent de manière impromptue des pièces d’un panorama que l’on imagine magique.
Descente vers Tré-le-Champ
Au sommet, je grignote quelques cacahuètes, m’imagine le paysage époustouflant que l’on peut contempler d’ici et plonge directement vers la descente. Une descente piégeuse, glissante et bondée de monde. Il n’est pas évident de tracer sa route. On est systématiquement bloqué par le coureur précédent. A force de me retenir, à bloquer les jambes, on en vient à vite glisser. C’est ce qu’il m’arrivera et me vaudra la vie de mon téléphone.
Une fois dans les sous-bois, le sentier devient plus roulant et le rythme augmente. On descend maintenant à un bon rythme. Il me faut un peu moins de 50min pour arriver au Tour. Là, l’ambiance est assez folle. De nombreux spectateurs étaient d’ailleurs de plus en plus présents au fur et à mesure de notre avancée. Au Tour, c’est l’apothéose. J’ai le souvenir d’avoir vu des spectateurs de manière presque continue jusqu’au ravito de Tré-le-Champs.
Balcon sud
Le balcon sud ! Le balcon sud ! Qu’est-ce que j’en avais bavé durant l’OCC 2015. La montée jusqu’au Béchard avait été mon chemin de croix, la descente mon calvaire et la montée vers La Flégère mon coup de grâce… Cette situation, je la devais à deux flasques percées qui m’ont laissé à sec sous une chaleur d’enfer.
Les conditions climatiques sont similaires. Le ciel s’est définitivement déchiré laissant apparaitre un large et franc soleil. Il fait chaud, même très chaud. Par contre, j’ai pris soin de changer les flasques. Sur ce point, cela devrait aller. Je prends donc tout mon temps au ravito de Tré-le-Champs. Je m’hydrate correctement. Je mange bien. Je fais le plein de bananes.
Quand je redémarre, cela devient dur. On est à 32km et 4h50 de courses. L’année passée, j’avais mis 2h30 pour faire la montée vers La Flégère. Vous vous en doutez, je n’ai pas un bon souvenir de ce passage. La montée jusqu’à Béchard se passe dans le dur ; mieux que sur l’OCC mais pas à 100%. Je ne vous parle pas de la descente technique qui s’ensuit ni de l’interminable montée jusque La Flégère.
Moins pénible que sur l’OCC, cette montée reste difficile. Durant la montée vers La Flégère, j’ai senti poindre le coup de barre. Il est arrivé assez vite. Je ne saurais d’ailleurs vous décrire mieux ce passage. Je n’étais pas au top et comme le dit si bien Sylvain Tesson :
Le temps le temps le temps le temps le temps le temps le temps le temps le temps.
Tiens ? Il est passé !
– Sylvain Tesson
Il n’y a pas que le temps qui a filé, le paysage m’est également passé sous le nez. J’étais donc bien dans le dur ^^.
Final et arrivée
En haut, je me ravitaille et repars assez vite. Par enchantement, j’arrive à relancer et je cours la majorité de ces 6 derniers kilomètres. Ce passage en balcon était une découverte magnifique. J’adore courir sur ce genre de sentiers. Cela vous permet de retrouver un bon rythme de course tout en profitant du paysage. Et, quel paysage ! La vallée complètement dégagée s’offre à nos yeux sous son plus beau jour. Je me sens porter des ailes.
L’ivresse des cimes m’envahit de nouveau et me motive pour ces derniers kilomètres.
Dawa Sherpa est là pour nous encourager ! Quel booste. Quel homme. Sa présence me donne les forces pour affronter le final dantesque de la course : près de 200D+ en 1500m. Autant j’ai zappé certains passages de la course (frappé sans doute par une petite amnésie de course), autant j’ai profité de chaque mètre, chaque seconde de cette montée. Elle pique les cuissots comme jamais. Mais la foule est là. On se croirait à l’Alpe D’Huez. Ça exulte, ça crie, ça exhorte, les jambes n’ont même plus besoin de fonctionner tant les encouragements du public sont grands.
Les belges mettent l’ambiance au sommet et me poussent à relancer au sommet ! Bam, les jambes redémarrent. De plus en plus vite, la foulée s’accélère. L’arche est en vue. Je serre les dents. L’arrivée se rapproche. Je vais chercher mes dernières forces. BIM, BAM ! Je passe la ligne. C’est fini. Essoufflement.
Me voilà Marathonien !
Conclusion
Ce Marathon du Mont Blanc est ma deuxième expérience en montagne et cela confirme mon attirance presque transcendantale pour ce milieu. Je reste néanmoins déçu de mon temps. J’aurais aimé passé sous la barre des 7h. La beauté de la vallée est et restera grandiose.
Par contre, le nombre de participants devient presqu’invivable. Du premier au dernier kilomètre, les concurrents sont à la file indienne. Oubliez tout de suite le fantasme absolu d’être seul face à la montagne ! Sur ce point, si je reviens sur cette organisation, cela sera dans le cadre du 80km…
Ne nous y trompons pas, le Marathon du Mont Blanc reste un rendez-vous incontournable dans le paysage du trail mondial. La possibilité de rencontrer des personnes est magnifiques. J’ai énormément apprécié rencontrer des personnes uniquement connue “virtuellement”, mettre des visages sur des profils virtuels et surtout boire des coups entre belges comme une apothéose à ce weekend.
Je n’ai cependant pas rempli un contrat : faire le KV imbibé à 2h30 du matin… À charge de revanche 😉
Informations :
Office du Tourisme de Chamonix
Vous souhaitez préparer votre séjour, connaître les bons plans et les possibilités qu’offre la vallée ? Rendez-vous à l’office du Tourisme de Chamonix
Vous trouverez sur ce site, toutes les informations de la course : inscription, news, parcours, etc…
N’hésitez pas à visiter également leur page Facebook.
Et vous, vous y avez participez ? Racontez moi tout !
Merci à tous ceux qui ont fait de ce weekend, un weekend extraordinaire. Que cela soit avant, pendant ou après la course, cela était juste parfait !! MERCI Sylvain, Paul, Olivia, Geoffrey, Kyong, Fabian, Etienne, Nicola, François, Manu, Géraldine !
Ca donne envie, c’est franchement superbe, même par temps gris…j’y vais quelques jours dans une semaine, j’ai vraiment hâte, comme toi la montagne me manque !!!
C’est magique ! Ton trail s’est bien passé ? Tu vas faire quoi de beau à Cham’? Oui, là je reviens de 4 jours à Avoriaz. J’ai déjà envie d’être dans 10 jours sur le Grand Paradis ^^
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Je participe au marathon cette année, et autant dire que ton article permet déjà de s’imprégner de l’ambiance et de la difficulté ! Aucun doute que je le relirai plusieurs fois avant le jour-J pour m’imaginer la douleur et le plaisir de ce trail 😀