La Montagne, ce déchaînement tellurique qui s’élève dans les cieux pour toucher les étoiles, est un abîme de contemplation dans lequel se révèle notre propre nature. En deux semaines, j’ai vécu une vie, celle du marcheur-coureur qui s’élève vers les cimes. La Montagne, l’immensité intime…
Marcher, courir, se faire mal, avoir faim ou soif, dormir, la Montagne n’est pas compliquée. Elle ramène l’homme à ses besoins essentiels et lui rappelle sa condition d’errant fragile en lui imposant ses placides roches millénaires qui rayent sa peau, usent ses semelles et fatiguent ses vêtements.
En Montagne, point de gloire, le martèlement des pas dans la caillasses devient le mantra scandant vos pensées.
Désirer un sommet, l’orgueil de l’homme persuadé d’une félicité d’altitude, n’est pas facile. Contrairement à beaucoup de choses dans notre société, il ne suffit pas de le vouloir pour l’obtenir. Chaque sommet est l’épitomé d’une vie. Point de raccourci, il faudra du marcheur à l’alpiniste en passant par le coureur fournir l’effort nécessaire au mérite de ce que l’on fantasme intérieurement : un panorama à couper le souffle.
La souffrance n’est que relative mais nécessaire, concentrant votre raison sur vos pas, les images des beautés d’altitude transcendent votre esprit et absout toute souffrance. En Montagne, l’effort et la souffrance sont intrinsèques et proportionnelles à la beauté de la contemplation. C’est le contrat du montagnard.
Pas après pas, vous vous élevez au propre comme au figuré. Le souffle devient plus court. La foulée se raccourcit. Vous approchez du sommet. Plus que quelques pas. Vous regardez une ultime fois vos pieds et vous relevez les yeux vers un horizon flamboyant à 360°.
“In the wilderness, I find something more dear and connate than in streets or villages. In the tranquil landscape, and especially in the distant line of the horizon, man beholds somewhat as beautiful as his own nature.” – Nature, Emerson.
Car la contemplation sommitale est bien plus qu’un paysage de pierre, il y a une forme de déconnection totale qui éloigne l’homme de la matérialité terrienne pour le rapprocher de sa propre nature.
Il n’est pas évident de gravir un sommet car, là-haut, vous avez rendez-vous avec vous-même.
Lorsque vous redescendez en vallée, votre carcasse charnelle est usée, fatiguée et parfois cassée mais la Montagne vous offre le privilège de laisser vagabonder votre esprit sur ses cimes. Elle y reste flottante comme le Foehn bloquant les nuages sur les sommets…
Tel est l’origine de cette modeste bafouille.