L’Odyssée du Hérou, née du fantasme d’une gravure, est devenu un parcours de rando-trail à couper le souffle. L’intimité des berges de l’Ourthe côtoie la majesté des panoramas et l’Histoire d’une terre millénaire. Face à tant de beautés, je ne peux pas m’empêcher de partager avec vous ces sentiers et ces paysages. Garderez-vous le secret ?
Au commencement, une gravure
L’Odyssée du Hérou, un nom légendaire pour une épopée ardennaise, est née de manière incongrue alors que je n’avais jamais entendu parler de ce rocher émergeant de la forêt. En août 2015, je me promenais sous un soleil de plomb et dans la touffeur de l’été sur une des plus grandes brocantes d’Europe. Hagard, avec ma bouteille de maltodextrine sous le bras en prévision de l’OCC toute proche, je n’avais pas la tête à fouiner. Au contraire, j’étais plutôt préoccupé par la capacité de mes jambes à venir à bout de cette première course de montagne.
Pourtant, un exposant a réussi à attirer mon regard. L’homme au chapeau vendait toutes sortes de vieux papiers. J’ai été frappé par l’étonnante quantité de gravures. Au vu de leur conservation, elles ne doivent pas valoir grand-chose. Ma curiosité me pousse pourtant à scruter chacune d’elles.
Abandonnant mon errance, je me concentre sur les multiples caisses où, pêle-mêle, se mélangent des images d’un autre temps.
Entre des vues d’un classicisme nostalgique, des figures pieuses ou encore des scènes de genre, je m’arrête sur une eau-forte extrêmement noire. Avec le soleil en contre-jour, je n’arrive même pas à en distinguer le sujet. Quand enfin j’oriente le papier dans la bonne direction, un sombre et dramatique paysage s’offre à mes yeux : sorte de fjord perdu dans la noirceur et la langueur de la nuit scandinave.
Le nom de l’artiste, Henri Michaux, et le lieu représenté, le Hérou, m’arrachent à mes fantasmes vikings pour me ramener en Ardenne. J’en ai la confirmation ! Cette belle Ardenne possède bien ce romantisme “Friedrichiens”… J’achète !
Je me vois déjà comme le “Voyageur contemplant les nuages” devant cette dent-de-scie ardennaise. Il me faut découvrir ce lieu… Allons-y !
L’odyssée du Hérou
Je vous emmène donc dans une aventure extraordinaire où vous serez menés des berges de l’Ourthe aux plateaux herbagés (200 mètres plus haut !) en passant par les somptueux sentiers à flanc de coteaux. Vous serez isolés et perdus dans les sombres forêts de conifères, éblouis par les paysages à 360° sur la vallée de l’Ourthe et surpris par les reliques de l’histoire. Les mythes et légendes ne sont jamais loin.
Le parcours s’inscrit totalement dans le Parc naturel des deux Ourthes et presque complètement en Zone Natura 2000. Cette inscription comme site protégé révèle la richesse, la beauté mais aussi et surtout la fragilité du milieu dans lequel ce périple prend place. Amis coureurs, si vous me suivez, vous devrez être aussi silencieux, invisibles et rapides que le coureur des bois.
De notre passage ne restera que la rumeur d’une légende dont vous serez les héros.
De l’héroïsme, il en sera question car avec ses 1050 mètres de dénivelé sur 27km, ses sentiers à la limite du praticable et ses sentes qui vont droit dans la pente, les bâtons ne seront pas de trop pour le coureur qui veut s’y frotter. Les vivres aussi devront bien être évalués car il n’y a que peu de civilisation le long de ces sentiers.
Histoire
C’est aussi et surtout une immersion dans le temps et l’Histoire. Vous pourrez découvrir le légendaire site du Cheslé, une ancienne forteresse celtique. On oublie trop souvent qu’avant l’arrivée des Romains en Gaule, l’Arduina Silva était peuplée de celtes. Durant le premier âge du fer (Hallstatt), ce méandre de l’Ourthe a été fortifié et occupé du VIIe siècle au Ve siècle avant notre ère.
Cet “oppidum” celtique servait ainsi aux populations des environs à se réfugier lorsqu’un danger se présentait.
Depuis les années 1960, les fouilles archéologiques ont révélé qu’il s’agissait probablement de la plus grande forteresse de ce type en Belgique (13ha). Avec ces 1750 mètres de rempart, le Cheslé devait constituer une impressionnante structure défensive pour l’époque. Les archéologues ont, d’ailleurs, entrepris une reconstitution partielle afin de donner aux visiteurs une idée de la grandeur et de l’ingéniosité dont étaient capables les peuples du Hallstatt.
Je suis toujours ému face à l’entrée principale de l’oppidum. On imagine aisément l’énorme porte en bois ainsi que la rampe d’accès qui y mène en provenance directe des profondeurs de la forêt. La pierre a imprimé à jamais ce charroi protohistorique… En effet, une dalle de pierre apparente est marquée d’une rainure formée par des siècles et des siècles de passages. (Source)
Résurgence de ma formation d’historien, cette banale pierre est toujours une profonde source d’émotions.
Paysage
Les paysages de l’Ardenne sont secrets. Large plateau, elle ne doit son relief qu’au travail patient et tellurique de l’eau. Inlassablement, doucement, les rivières ont fait leur lit et ont creusé le relief. Encore faut-il que la forêt nous autorise à contempler ces secrètes vallées à travers la canopée.
L’odyssée du Hérou offre la part belle à ces panoramas qui dévoilent et révèlent les secrets légendaires de l’Ardenne. À plusieurs reprises le long du parcours, je me suis arrêté et j’ai contemplé le paysage. Je me suis surpris à repérer le trajet effectué dans le lointain. Au delà des méandres, sur ces contreforts boisés, dans cette trouée de la couverture forestière, j’ai observé la même vallée, le même village, le même pont mais dans le sens strictement opposé.
L’Ardenne est humble mais elle ne devrait pas avoir honte de sa grandeur.
Par monts et par vaux, l’aventure nous mène des sentiers escarpés aux grands espaces couverts de prairies. Le long de l’Ourthe, la force du vent a fait ployer les arbres donnant à ces passages des airs de “Barkley”. À travers la pente, les cuisses s’échauffent, le rythme cardiaque augmente, le souffle se raccourcit. Au sommet c’est le plaisir d’apercevoir un nouvel aspect du prisme multiple que représente cette région à mes yeux.
Légende
L’Ardenne est inspirante. J’aime affirmer que l’Odyssée du Hérou est plus qu’un simple rando-trail. C’est surtout une parenthèse au cours de laquelle on se laisse submerger par l’esprit de la forêt. On se met à croire que les rochers sont peuplés de Nutons, que le Cheslé est le repaire des Elfes sylvains et qu’il n’est pas rare d’apercevoir des fées le long du Ri de Vâ. Comme le résume si bien la Fédération Touristique du Luxembourg belge :
L’originalité du légendaire ardennais et ce qui en fait l’autre Royaume des légendes aux côtés de la Bretagne notamment, c’est cette complicité qu’il partage avec la forêt, cette forêt qui, depuis toujours, l’a protégée des influences étrangères et entretenu son mystère (source).
Si je reviens à cette sombre gravure, elle est l’arcane de ma fascination pour cette région. Comme le grimoire maudit des épopées fantastiques, elle m’a mené à partir en quête d’un endroit imagé. Refusant de dégager la brume ésotérique de mon esprit, j’ai construit un parcours que j‘ai mâtiné de légendaire pour conserver le pouvoir irrépressible de la découverte.
Dans cette aventure, le Hérou, comme la Montagne du Destin dans le Seigneur des Anneaux, était l’objet de ma quête. Caché dans les étroits méandres de l’Ourthe, il est apparu comme l’accomplissement de mon aventure ; autel de verticalité au cœur de la forêt. Il aura fallu 27km et 1050m de dénivelé positif pour le découvrir. Il n’était qu’à quelques mètres du départ mais son observation n’aurait pas eu la même saveur…
Vidéo
Trail du Hérou
Vous êtes tombés sous le charme de la région ? Et cette fois-ci, vous voulez vous mesurer à d’autres coureurs ? Ne manquez surtout pas le Trail du Hérou le 10 septembre 2016 !
NB: le nom de cet article est à l’origine celui d’un article publié par le PNDO consacré à la formation géomorphologique du Hérou.
Excellent tant du point de vue du contenu que du style… et du teasing! Bref, ça donne envie. Ce serait un plaisir de venir faire cette rando-trail instructive. Y a plus qu’à espérer que la date me conviendra. Bonne fin de prépa bouillonnaise.
Merci beaucoup Corentin. Cela se termine tout doucement. Tu en es à cette grand messe à Bouillon ?
Oui, je serai de la partie à Bouillon sur le 29 km (c’est déjà bien assez long pour moi car, actuellement, j’arrive difficilement à m’octroyer plus de 50′ pour mes sorties d’entraînement). On s’y croisera sans doute, ce sera l’occasion de boire un coup ensemble.
[…] de Wallonie. Je vous en avais d’ailleurs fait l’apologie dans un précédent article : L’Odyssée du Hérou. Le Packraft m’a permis de la (re)découvrir cette vallée sous un angle […]
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