Quoi de plus beau que de finir sa première année complète de Trail en allant tutoyer le Diable sur son terrain de jeu ? Et il ne s’est pas fait prié : trombes d’eau et rafales de vente nous ont fait vaciller tout au long du parcours !
Un Trail de Légende
Le Trail des Pierres du Diable rassemble tous les ingrédients pour laisser un souvenir impérissable.
Courir de nuit (même à l’entraînement) est toujours une expérience unique alors imaginez-vous faire 30 bornes de nuit, à la lueur de la frontale, dans notre majestueuse et inquiétante forêt d’Ardenne. Le fait d’être une course en ligne instaure également une dynamique complètement différente. Le “move forward” permanent est extrêmement stimulant car on sait que par nature on va rencontrer une nature, un sentier, des difficultés sans cesse différents. En plus, dans le cas de ce Trail, cela permet d’accumuler un D+ beaucoup plus important que le D- (1000 D+ contre 600 D-) au départ de Wéris et jusqu’à la Baraque Fraiture (l’un des plus hauts plateaux belges – 652m). A défaut d’avoir de hauts sommets, cette option permet de cumuler les côtes tout en limitant les descentes. Inutile de dire que cela corse les choses.
Le Diable ! Il est partout et les organisateurs font tout pour nous le rappeler. Le départ a lieu à Wéris. Classé parmi les plus beaux villages de Wallonie, le village – outre son architecture et son église romane du XIe – est surtout connu pour ses menhirs et ses dolmens. Et ceux-ci concentrent depuis le néolithique, nombre de légendes et de mythes parmi lesquelles plusieurs plusieurs impliquent le Diable. La Pierre Haina qui cacherait un trou sans fond atteignant le centre de la terre que le Diable soulèverait de temps à autre pour y accomplir ses méfaits. Après avoir répandu le mal, il se reposerait sur le Lit du Diable. Ensuite, c’est près de 20 km de bois mystérieux où l’on soupçonne l’oeuvre du malin à chaque ornière. Enfin, alors que la fatigue et le froid brouille nos sens émerge dans la nuit à la lueur des flambeaux le Rocher du Diable où les organisateurs diaboliques nous offrent un vin chaud ou un péket pour achever les derniers kilomètres.
La course
J’arrive presque une heure à l’avance à Wéris. Il fait froid, il pleut et je suis crevé. La fatigue d’un déménagement et des douleurs au mollet gauche n’augurent rien de bon. J’ai vraiment froid et ne me sens pas au top de ma forme. J’en viens même à me dire que heureusement que ma copine m’accompagne pour “si jamais” je devais abandonner. Abandonner, ce mot vient pour la première fois à mon esprit en 1 an et demi de Trail. D’un autre côté, j’apprends que c’est la dernière édition du Trail. Il ne faut donc pas lâcher le morceau. Et c’est ce que je ferai durant les 30 bornes : ne rien lâcher ! Les traileurs garés à la Baraque Fraiture nous rejoignent. L’organisation fait ses dernières recommandations et nous voilà partis.
Avant le départ, on fait une boucle de 500 m dans le village où deux enfants déguisés en diable mènent la danse. Puis, tout le monde s’arrête sous le portail de départ. Voir cette colonne de frontales en pleine nuit à quelque chose de beau et de mythique. Tout le monde se regarde, sautille, s’échauffe ! “We are the champions” de Queen s’élève dans la nuit. Le pistolet donne le départ ! C’est parti !!
La course démarre directement en côte mais le rythme est calme. Déjà après quelques centaines de mètres, je sais que la course ne sera pas facile. Il fait extrêmement boueux, ça glisse et les appuis ne sont vraiment pas facile. L’obscurité n’arrange rien. Ça grimpe ainsi pendant 2 km environ. Mes impressions d’avant course se confirment : cardio élevé, souffle court et l’impression de ne pas avancer. Malgré un regain dans la première des deux descentes techniques où je prends mon pied, je n’y suis pas. Dans la traversée de Fonzel, ça va un petit peu mieux. Les encouragements me redonnent un peu de courage mais une longue côte a rapidement raison de moi. Le vent latéral souffle très fort, la pluie et la boue ne facilitent rien. JE regarde ma montre toutes les deux minutes ! Je ne me vois pas avancer et ça m’énerve. En plus, ironie du sort, mes quadris sont douloureux. Ça ne m’arrive jamais. En arrivant au premier ravitaillement, je mors déjà sur ma chique (comme on dit) et je suis déjà fatigué. Je reprends un peu de force, je fais un petit bisou à ma copine qui m’y attendait et je repars. Je ne sais pas si c’est le ravito ou le fait de voir ma copine m’attendre sous la pluie et m’encourager qui m’a donné des ailes mais à partir de là j’ai bannis le mot abandonner de mon vocabulaire pour les 25 prochains kilomètres !
Physiquement, ça ne va pas mieux mais le moral est un peu plus haut. Cela m’aide à passer nombreuses côtes qui suivent (en fait, ça n’aura fait que grimper !). Au 15e kilomètre, je me dis qu’il est temps d’augmenter le rythme et de s’exploser les jambes jusqu’à l’arrivée. Pour m’aider dans cette tâche, je cale mes écouteurs dans les oreilles. Miss May I, Of Mice & Men et Asking Alexandria seront mes shots d’EPO. Je me cale sur leur rythme et là, je commence à tenir sérieusement. Je me maintiens en côte et je rattrape quelques coureurs. Je suis toujours dans le dur mais j’avance comme ça jusqu’au 2e ravito à 19 kilomètres.
Les 10 derniers kilomètres ne sont pas évident du tout : la boue devient de plus en plus importante, la pluie et le vent s’intensifie. Mais cette dernière partie est aussi la plus diabolique! On est à plus de 20 kilomètres de course et le peloton s’est largement éclairci à tel point que je me retrouve plus d’une fois seul au milieu des bois. C’est magique. On évite les pierres, on slalome entre les arbres, la pluie tombe drue et notre respiration crée à rythme régulier un brouillard éphémère. Seul témoin de vie, les brefs rumeurs lumineuses des autres concurrents apparaissent furtivement dans le lointain. Au milieu d’un pierrier sinueux, je rattrape un coureur dont la lampe ne fonctionne plus. Je l’accompagne sur environ 2km jusqu’à ce qu’on dépasse d’autres coureurs et là pour ne pas casser le rythme durement acquis je le dépose et continue ma course seul.
On passe au dessus de l’autoroute par un pont à gibier et me voilà sur le plateau de la Baraque Fraiture que j’avais parcouru un an auparavant en ski de fond ! A partir de là, le sol est détrempé ! C’est infernal et c’est là que je vois les limites de mes Salomon S-Lab Sense (ici dans leur version 2). Il faut continuer et ne pas faiblir. Au détour d’un sentier, une clairière au milieu de laquelle émerge de la fumée et des lampes, je pense tout d’abord à des bûcherons. Je ne sais pas très bien pourquoi j’ai pensé à ça… L’odeur du feu de bois sans doute ! En réalité, on est au fameux Rocher du Diable et l’orga nous dispense du péket-citron et du vin chaud. J’opte pour le péket ! Ça arrache bien surtout après 25 bornes :p
S’ensuit rapidement après une longue descente ironique. Pourquoi ironique ? Parce qu’on entend les commentaires et la musique de l’arrivée mais en connaissant le lieu, je sais que chaque pas dans cette descente m’en éloigne. Par contre, cela me rapproche des pistes de ski alpin (les seules en Belgique). Et qui dit piste de ski précédé par une descente, dit une bonne côte à avaler avant de poser son séant. Dans la montée, ma Nao m’abandonne et je ne vois presque plus rien. Les jambes ont du mal mais j’essaie de grappiller quelques places ! Impossible de tenir en continu, heureusement je me force à me caler sur la chanson d’Of Mice &Men.
À chaque passage crié rapide, je me force de sprinter en côte. Un mec essaie de m’avoir sur les derniers mètres alors que je baissais de régime. Il ne m’en faut pas plus pour encore une fois finir au sprint. Passage obligé au douche et après je me requinque avec une bonne potée aux légumes !
Classement
120e/292 en 3:18:25 et 59e/cat (S.)
En conclusion
Cette dernière course de la saison n’a pas été la plus aisée mais elle clôture ma première année complète de sport. Une année extraordinaire où j’ai appris énormément et où j’ai également beaucoup progressé. J’espère que 2014 me satisfera autant. Quoiqu’il en soit, j’en profite pour vous souhaiter une excellente année 2014 !
Toutes les images du Trail : Gédéon Balthazard.
Excellent CR ! Des conditions dantesques pour finir l’année et un moral d’acier pour finir cette épreuve !
Bonne Année 2014 à toi aussi, bon repos et bonne M… pour la suite.
Un beau compte rendu. On ressent bien toute la difficulté du parcours et les doutes ressentis durant ton trail. Perso, en 2013, j’ai eu deux expériences du trail nocturne. Impressions mitigées. Chouette pour l’ambiance et les rapports entre coureurs mais une fois que tu as fait 5 bornes, les suivantes sont pareilles. La nuit, les paysages sont moins attractifs
Merci ! C’est vrai que comme tu dis : après 5 km, les autres sont semblables mais ce sont de chouettes expériences et j’aimerais refaire ce parcours des Pierres du Diable de jour !
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