Éloignons-nous un instant des côtes venteuses de la Bretagne. Là au coeur d’Argoat, émerge une terre de légendes et de mystères. Entre landes et crêtes acérées, nombre d’histoires fantastiques continuent de subsister. Aujourd’hui, je vous emmène pour une randonnée dans les Monts d’Arrée à la découverte du Mont Saint-Michel de Brasparts et les landes environnantes. Vous me suivez ?

Les Monts d’Arrée : la porte des enfers

Randonner dans les monts d’Arrée, c’est ouvrir un grimoire longtemps oubliés. À moins que cela ne soit parcourir un palimpseste où chaque époque y a laisser la quintessence de son mysticisme et de sa magie. Là-bas, perdu entre entre crêtes déchiquetées et marécages, on touche du doigt les légendes les plus vivaces de Bretagne.

L’une d’elle situe dans cette terre de lande et de brouillard le Youdig : la porte des enfers… Une autre détaille que c’est à travers cette terre de désolation que l’Ankou, le spectre des morts qui vient recueillir l’âme des défunts pour les embarquer avec lui au royaume des morts. D’autres précisent que les Korrigans viennent taquiner les randonneurs errants.

C’est l’heure de se lever, de courir dans la vallée et d’effrayer les passants. la nuit nous appartient, évitez notre chemin, car nous sommes les korrigans.

– G. Foucher

Randonnée dans les Monts d’Arrée

Sur le dos du dragon

Au départ de Botmeur, la randonnée traverse rapidement la lande pour atteindre l’arête rocheuse la plus inquiétante de Bretagne. En effet, vu depuis la vallée, Roc’h Trevezel, Roc’h Ruz, Menez Kador forment la silhouette d’un dragon endormi encerclant les marais de Yeun Elez. Et ce matin-là, émergeant de la brume, j’ai presque l’impression qu’il est en train de se réveiller. C’est ça la Bretagne, tout est objet non seulement l’objet de légendes mais aussi de prétextes à la divagation imaginaire.

Mon imagination est particulièrement sensible à ces paysages. Il n’en fallait pas plus pour m’imaginer approchant le Marais des Morts et découvrir derrière la ligne de l’horizon les noirs murs du Mordor. Mais rien de tout cela ne se passa… Au contraire, c’est avec surprise que j’ai pu contempler la magnifique ligne de Crête menant au mont Saint-Michel de Brasparts, cette chapelle sise sur le plus haut sommet de la région.

Vers Saint-Michel de Brasparts

J’aurais pu vous mettre des dizaines et des dizaines d’images. En effet, cette partie de randonnée dans les Monts d’Arrée offre des vues absolument magnifiques sur la chapelle de Saint-Michel de Brasparts, perdue au milieu de Yeun Elez. Cette chapelle aurait remplacé un ancien temple celte dédié au soleil. On ne peut que comprendre cet attrait pour le dieu solaire tant l’endroit peut être sombre et menaçant.

La chapelle actuelle date de la fin du XVIIe siècle (1672) mais la lande désolée a mis à rude épreuve l’édifice. A tel point qu’un siècle plus tard, elle est en ruine. Elle abrite davantage les errants et les sombres légendes que les croyants de la région. La chapelle fut reconstruite début du XIXe siècle dans la forme qu’on lui connaît aujourd’hui. Elle reprît ainsi sa fonction de repère dans la monotone, venteuse et triste lande…

En approchant de cette chapelle, la terre se dépouille d’arbres et de buissons (…) : elle n’est plus couverte que de bruyères et de rochers, brisés par les orages, ou décomposés par les temps. Tout prend un caractère sauvage, un air de mort ; c’est l’aspect d’un vaste désert,(…) de terre noirâtre et marécageuse, résultat de bruyères corrompues, accumulées pendant des siècles

– Jacques Cambry 1798

À travers la lande

Avant de reprendre cette randonnée dans les Monts d’Arrée, un arrêt à la chapelle pour casser la croute est indispensable. La vue à 360° sur Yeun Elez est tout simplement époustouflant et permet de prendre conscience de la discrète immensité des Monts d’Arrée, ce trésor au coeur de la Bretagne que beaucoup rechignent à découvrir. Pourtant là haut, avec du vent et de la brume, on prend conscience du lien indéfectible qui lie la Bretagne continentale à la Grande Bretagne. J’oserais même dire que le souffle du vent a parfois la violence de l’Ecosse…

C’est la raison pour laquelle nous avons mangé à l’intérieur. Le vent colportait les embruns de la mer pourtant éloignée… Les locaux appellent ça de la pluie. Je préfère garder la poésie des embruns d’Argoat. Et c’est dans cette ambiance de landes, de bruyères et de vent que nous avons traversé les marais. Ceux-ci m’ont d’ailleurs fait pensé à plusieurs reprises à “mes” Hautes Fagnes, la même odeur de tourbes, de vent gifflant et d’une désolation hypnotisante.