Dans les contrées sauvages d’Ardenne, un rocher s’élève majestueusement au dessus de l’Ourthe. Capturant les couleurs d’une chaude après-midi de septembre, le Hérou focalisera l’attention de nombreux coureurs venus le défier. Le Trail du Hérou 2016, c’était de l’aventure, du dépassement de soi mais aussi la simplicité propre au Trail running.
Un rendez-vous manqué
Une année, une année entière que j’attendais cette course. Loupé en 2015, je m’étais juré de ne manquer sous aucun prétexte ce Trail du Hérou 2016. Je vous avoue : j’ai rarement attendu aussi ardemment une course. Il faut dire qu’il fallait être insensible pour ne pas avoir des fourmis dans les jambes.
Un parcours dantesque, un rocher majestueux et un commentaire dithyrambique du champion de Belgique de Trail ont instantanément élevé ce trail au rang d’incontournable !
Mais comme dans toute attente passionnée, il y a toujours le risque d’être déçu. Une telle attente peut parfois être préjudiciable au vécu même de la course. Connaissant la région, j’imaginais déjà un trail à la fois technique et panoramique, forestier et solaire, aventureux et rustique. Bref un pur trail ardennais…
Le Trail du Hérou 2016 a-t-il répondu à mes attentes ? C’est évidemment la réponse que vous attendez tous et je vais vous le dire d’entrée de jeu : oui, oui et re-oui ! Je vous explique pourquoi.
Trail du Hérou 2016
Vallée de l’Ourthe
Les parcours du Trail du Hérou profite d’un terrain de jeu extraordinaire. Je vous en avais déjà parlé dans mon article “L’Odyssée du Hérou”. Cette région est exceptionnelle à plus d’un titre ! En effet, dès que vous quittez les plateau, vous plongez dans une vallée secrète et mystérieuse.
Par de là les crêtes et la cime des arbres, c’est une terre d’Histoire et de Légendes qui se dévoile et vous immerge entièrement au cœur de l’Ardenne.
Il y a dans la vallée de l’Ourthe une forme d’humilité dans la grandeur. Les paysages secrètement se dévoilent à travers la canopée pour vous offrir un spectacle à couper le souffle. Celui-ci n’a d’ailleurs rien envier à leurs cousins allemands ou français. Le Trail du Hérou exploite toute la richesse du Parc Naturel des Deux Ourthe pour offrir une expérience aussi rude et splendide que le paysages traversé.
Départ
Il fait chaud sur la place de Nadrin près de La-Roche-en-Ardenne. La petite centaine de coureurs attend le départ dans une étonnante décontraction face à l’épreuve qui les attend. L’été a décidé de s’inviter sur la course. Le soleil chauffe. Je l’en remercie mais j’aurai vite fait de regretter mes largesses à son égard. En effet, la chaleur fera courber l’échine à de nombreux coureurs.
Même les sombres forêts ne pourront empêcher les rais de lumière de danser avec les ombres des sous-bois, myriades d’esprits incandescents jouant avec les ténèbres…
Le départ est donné et rapidement nous plongeons dans la vallée en abandonnant la Civilisation pour plusieurs heures. Ces quelques centaines de mètres de macadam seront les seules de notre aventure du jour.
Sombres présages
D’entrée de jeu, la vallée de l’Ourthe dévoile sa barbare rudesse. Mais, à peine a-t-on profiter d’une large descente pour se mettre en jambe que les flans de la vallée nous les arrachent avec un sentier de crête. Quel sentier ! Il s’agit plus d’une pente raide glissante. Que dis-je ! D’un mur !
J’ai le cardio qui tape dans le caisson. Dès le premier replat venu, j’en profite pour récupérer mon souffle. Soudain au détour d’un sentier, l’esprit des bois lâche sur nous une nuée de frelons. Ils attaquent et les premiers coureurs tombent. On apprendra plus tard que l’un d’entre-eux du être évacué en urgence à l’hôpital.
Quel sombre présage ! A-ton omis de faire une occulte bénédiction aux ténébreux esprits de la forêt?
Très rapidement, une éclaircie entre les arbres nous permet d’observer la vallée de l’Ourthe dans toute sa splendeur. La forêt aurait-elle décidé de nous épargner ? Tel un vieux trappeur, je reconnais les traces et autres chemins de mes précédentes escapades sur ces terres.
Je sens également une lourde présence dans l’air. Serait-ce celles de celtes morts au combat ? En effet, nous sommes à quelques méandres d’une forteresse proto-historique, l’une des plus importante d’Ardenne, le Cheslé. Derrière les remparts, quelle dangereuse malédiction peut encore s’exprimer ?
A peine me suis-je poser ces questions qu’un coureur se cogne à une branche traversant le chemin. Un jet de sang jailli de son crâne. Nous nous arrêtons alors pour prendre de ses nouvelles et téléphonons aux organisateurs. Dépité, notre blessé continue sa route clopin-clopant jusqu’à l’intersection de notre boucle forestière. C’est définitif, des âmes en peine sont jalouses de voir tant de félicité dans les yeux des traileurs face à tant de beautés.
“Hérou on the rocks”
Véritable point de repère au milieu de la forêt, le rocher du Hérou est sans doute l’un des plus beaux points de vue d’Ardenne. Cette énorme mur de roche émergeant de la forêt personnifie bien la légendaire Ardenne. Le rocher du Hérou l’épitomé tellurique du trail : aventure, rudesse et beauté.
Comme un Golem des temps oubliés, il domine cette mer sylvestre d’une puissance majestueuse et impitoyable.
C’est désormais vers ce monstre de pierre que nous nous dirigeons. Notre approche s’effectue par son échine sur sa face cachée. Le single track ondulant et ludique nous amène jusqu’à son extrémité : une pente abrupte et glissante. Face à elle, deux solutions ! La première consiste à s’élancer à corps perdu dans la pente raide plein d’espoir et de ferveu ; la seconde à s’aider des cordes et d’avancer prudemment. Un pas devant l’autre, la prudence comme maître mot.
Je choisis un mixte des deux en utilisant les frêles baliveaux de hêtres, corps chétifs quasi arrachés à la terre, pour me retenir.
Arrivé au niveau de l’Ourthe, vous pensez souffler un peu ? Le chemin pittoresque longeant la rivière s’arrête brusquement. Un mur, encore un, à franchir. Au Trail du Hérou, il n’est pas question de vous reposer. Il faut se faufiler, se glisser, s’infiltrer entre cette roche pour redescendre presque instantanément au niveau de l’eau.
Un entrelacs de rocs et de pierre de profile sur cette échine comme les écailles d’une créature d’un autre monde…
Puis, il apparaît ! Le Hérou, ce rocher, cœur du trail, au milieu duquel nous nous faufilons aidés de chaînes et de cordes pour, au sommet, contempler la beauté éclatante de cette vallée baignée de soleil. Je respire, je sens, je profite. Cette course est somptueuse. Mais déjà, il faut que j’enfonce de nouveau dans la forêt.
Au fil de l’eau
Le passage du Hérou a déjà bien entamé les organismes. Ces passages entre les roches bien que magnifiques n’en restent pas moins casse-patte. Heureusement, la première vraie pause se profile devant nous : une longue descente forestière vers l’Ourthe suivi d’un petit single track bucolique le long de l’Ourthe.
La trêve n’est pas longue car déjà, il nous faut remonter vers le charmant village d’Ollomont. Nous pouvons alors profiter d’un passage sur les plateau pour contempler cette vallée qui nous réserve bien des surprises. Elles est magnifique. Je comprends pourquoi certains y ont installé leur pavillon de chasse.
La vue n’a rien à envier au plus célèbre panorama européen.
Ce sont sur des chemins bien connu que nous retrouvons un parcours au fil de l’eau vers le barrage de Nisramont. Pourtant, ce n’est pas une balade de santé. Le sentier, bien qu’apparemment simple, regorge de pièges : des pierres humides, d’autres saillantes ou encore des trous se dérobant sous vos pieds… Il faut être extrêmement prudent. Nous sommes à mi-course et les esprits s’égarent parfois.
J’aperçois au loin une des premières féminines. J’essaie de la rattraper. Je me rapproche. Elle saute une marche rocheuse. Instantanément, un craquement, la cheville vrie, elle hurle. La malédiction a encore frappé. Finalement, je vais croire que le mauvais œil est sur moi. La coureuse ne cesse de hurler en se tenant la cheville. Nous nous arrêtons tout un groupe pour téléphoner à l’organisation. Heureusement pour elle, le barrage n’est pas loin. Bien accompagnée et assurée de son rapatriement, je continue ma course en priant ne plus vivre un 4e malheur !
Succession de murs
À partir de maintenant, je connais relativement bien les chemins. C’est un des coins de la vallée que j’ai déjà maintes fois parcouru en course à pied, en randonnée ou même pour du Packraft. Pourtant, les organisateurs me (nous) surprennent encore et surtout nous offrent un parcours où s’enchaînent murs et replats. Bref, c’est le meilleur moyen pour appréhender toute la richesse des plateaux et des fonds de vallée qui constituent celle de l’Ourthe.
Les panoramas au sommet sont d’autant plus appréciables que les murs sont dantesques. La force brute de l’Ardenne s’exprime à travers des murs verticaux, réveillant la bestialité des hommes… rampant et haletant !
Les forêts traversées s’obscurcissent. Les forces des ténèbres avancent irrémédiablement comme la rumeur des légendes les plus folles… Il est 17 heures et nous sommes à 3 heures de courses. Le soleil a pactisé avec les ténèbres et s’approche dangereusement de la ligne d’horizon. Les fonds de vallée plongent dans l’obscurité tandis que les sommets s’accrochent à cette luminosité sanguinolente.
L’avantage de ce profil acéré est de pouvoir se retrouver seul pour souffrir en silence comme sur cette côte de 150m de D+ menant au village de Mormont ou l’infernal Mur de Rensiwez… Les jambes s’alourdissent et le souffle se raccourcit. Malgré cette douleur sourde, le silence de la solitude impose la contemplation.
À ce point de la course, je commence à voir chaque section plane comme du sable jeté aux yeux. Elle est là pour cacher l’horrible difficulté qui se cache dans cette succession de murs…
L’appel du Houblon…
De fait, alors que je reconnais un long sentier menant au célèbre village d’Achouffe. Les amateurs de bières sauront de quoi je parle. (En réalité, VOUS savez tous de quoi je parle puisque vous êtes traileurs ou belge ou les deux… Bref ^^ !)
Alors que je sens déjà le Houblon et le Malte, c’est le goût du sang que me jette une ultime côte forestière !
Au dessus, comme épilogue à notre aventure ardennaise, le parcours emprunte ce qui est pour moi l’un des plus sentiers d’Ardenne. Un sentier descendant offrant une vue à couper le souffle sur la succession des crêtes de la vallée. Sans câble, sans antenne, sans maison, j’ai l’impression d’évoluer dans cette forêt primaire parcourue pendant des siècles par les druides, bardes et autres chevaliers…
Cette magie de l’Ardenne surprend. Sa grandeur vous prend aux tripes. Et, la lumière du crépuscule dépeint ce tableau avec la perfection du couchant…
À travers champs, dans le rougeoiement de cette fin d’après-midi, je rejoins Nadrin heureux d’avoir parcouru cette course digne des plus grandes.
La Lupulus, cette cervoise ardennaise, sera la conclusion parfaite à cette traversée par monts et par vaux…
D’autres courses, même esprit ?
Sacré morceau ! Bravo pour cette belle course !!
Merci à toi 😉 Il faut monter une fois dans notre belle Ardenne 😀
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Merveilleux récit, merveilleuse épopée, merveilleuse région: hâte de faire le 80 le 9 septembre prochain !
Merci beaucoup 😀 On se voit donc le 9 septembre sur la ligne de départ ^^
Bonjour, on ne vous a pas vu sur le 80 le 9 septembre dernier ? En tout cas, ce fut une épopée formidable et redoutable. A refaire …
Nope j’étais blessé 😉